avons parlé; ils portent une natte en forme de ceinture,
& quoique les îles qu’ils habitent foient plus voiftnes de
l ’Equateur, il paroît que la chaleur n’y eft pas auflr
grande que dans toutes les terres où les hommes vont
abfolument nus, & où ils ont en même temps de la
laine au lieu de cheveux ( u).
Les infulaires d’Otahiti ( dit Samuel Wallis) font grands, bien
faits, agiles, difpos & d’une figure agréable. L a taille des hommes
eft en général de cinq pieds fept à cinq pieds dix pouces ; celle
des femmes eft de cinq pieds fix pouces. L e teint des hommes eft
bafané, leurs cheveux font noirs ordinairement, & quelquefois
bruns, roux ou blonds, ce qui eft digne de remarque, parce que
les cheveux de tous les naturels de l’A fie méridionale, de l ’Afrique
Si de l’Amérique font noirs ; les enfans des deux fexes les ont
ordinairement blonds. Toutes les femmes font jolies, & quelques-
unes d’une' très - grande beauté. Ces Infulaires ne paroilfent pas
regarder la continence comme une vertu, puifque leurs femmes
vendent leurs faveurs librement en public. Leurs pères, leurs
frères les amenoient fouvent eux-mêmes. Ils connoilTent le prix
de la beauté, car la grandeur des clous qu’on demandoit pour la
jouiffance d’une femme, étôit toujours proportionnée à fes charmes.
L ’habillement des hommes & des femmes eft fait d’une efpèce
d’étoffe blanche ( x ) qui reffemble beaucoup, au gros papier de la
Chine ; elle eft fabriquée comme le papier avec le liber ou écorce
intérieure des arbres qu’on a mife en macération., Les plumes,
les fleurs, les coquillages & les perles , font partie de leurs ornemens:
ce font les femmes fur-tout qui portent les perles. C ’eft un ufage
(u) Voyage autour du monde, par Carteret, chapitrés IV, V
& VII.
( X) On peut voir au Cabinet du Roi, une toilette entière d’une femjnfl
d’Orahiti.
reçu pour les hommes & pour les femmes de fe peindre les feffes
& le derrière des cuiffes avec des lignes noires très-ferrées, & qui
repréfentent, différentes figures. Les garçons & les filles au-deffous-
de douze ans ne portent point ces marques,
lis fe nourriffent de cochons, de volailles, de chiens & de
poiffons qu’ils font cuire, de fruits à pain, de bananes, d’ignames:
& d’un autre fruit aigre qui n’eft pas bon en lui-même, mais qui
donne un goût fort agréable au fruit à pain grillé, avec lequel
ils le mangent fouvent. II y a beaucoup de rats dans l ’î l e , mais
on ne leur en a point vu manger. Ils ont des filets pour la pêche.
Les coquilles leur fervent de couteaux. Ils n’ont point de vafes
ni poteries qui aillent au feu. Il paroît qu’ils n’ont point d’autre-
boiffon que de l’eau.
M. de Bougainville nous a donné des connoiftànces
encore plus exacles fur ces habitans de l’île d’Otahiti
ou Taïti. Il paroît par tout ce qu’en dit ce célèbre
iVoyageur, que les Taïtiens parviennent à une grande
vieilleffe làns aucune incommodité & fans perdre la
finefle de leurs fens.
L e poiffon & les végétaux, dit-il, font leurs .principales nourritures
; ils mangent rarement de la viande ; les enfans & les jeunes
filles n’en mangent jamais ; ils ne boivent que de l ’eau, l ’odeur
du vin & de l ’eau-de-vie leur donne de la répugnance; ils en
témoignent aufli pour le tabac, pour les épiceries & pour toutes
les chofes fortes.
L e peuple de Taïti eft compofé de deux races d’hommes très-
diftêrentes, qui cependant ont la même langue, les mêmes moeurs
& qui paroilfent fe mêler enfemble fans diftinélion. L a première,
Si c’eft la plus nombreufe, produit des hommes de la plus grande
taille, il eft ordinaire d’en voir de fix pieds & plus ; ils font bien
faits Si bien proportionnés. Rien ne diftingue leurs traits de ceux