aujourd’hui qu’elle i’étoit au commencement de notre
Nature vivante, ies plus grandes elpèces pourraient bien
ne pas naître ou ne pas arriver à leurs dimenfions.
Nous en avons prefque un exemple dans les animaux
de l’Amérique méridionale : ce continent qui ne tient
au relie de la Terre que par la chaîne étroite & inon-
tueufe de l’ifthme de Panama, & auquel manquent tous
les grands animaux nés dans les premiers temps de la
forte chaleur de la Terre, ne nous préfente qu’une Nature
moderne, dont tous les moules font plus petits que ceux
de la Nature plus ancienne dans l’autre continent ; au
lieu de l’éléphant, du rhinocéros, de l’hippopotame, de
la giraffe & du chameau qui font les elpèces in lignes de
la Nature dans le vieux continent, on ne trouve dans
le nouveau, fous la même latitude, que le tapir, le
cabiai, le lama, la vigogne qu’on peut regarder comme
leurs repréfentans dégénérés, défigurés, rapetilfés, parce
qu’ils font nés plus tard , dans un temps où la chaleur
du globe. étoit déjà diminuée. Et aujourd’hui que nous
nous trouvons dans le commencement de l’arrière-ûifon
de celle de la chaleur du globe, fi par quelque grande
catafirophe la Nature vivante fe trouvoit dans la nécelfité
de remplacer les formes actuellement exiflantes, elle ne
pourrait le faire que d’une manière encore plus imparfaite
qu’elle l’a fait en Amérique ; fes productions
■ n’étant aidées dans leur développement que de la foible
chaleur .de la température actuelle du globe, foraient
encore plus petites que celles du nouveau continent.
Tout Philofophe làns préjugés , tout homme de
bon elprit qui voudra lire avec attention ce que j’ai écrit,
volume I I , & dans plufieurs autres endroits des volumes
fuivans, au fujet de la nutrition, de la génération, delà
reproduction, & qui aura médité fur la puilfance dés
moules intérieurs, adoptera làns peine cette poffibilité
d’une nouvelle Nature, dont je n’ai fait l’expofition que
dans l ’hypothèfo de la deftruction générale & fubite de
tous les êtres fubfiftans; leur organifation détruite, leur
vie éteinte, leup corps décompofés, ne feraient pour
la Nature que des formes anéanties, qui feroient bientôt
remplacées par d’autres formes, puifque les maflcs générales
de la matière vivante & de la matière brute, font
& feront toujours les mêmes ; puifque cette matière organique
vivante furvit à toute mort & ne perd jamais
fon mouvement, fon activité ni fa pui/fance de modeler
la matière brute & d’en former des moules intérieurs,
c ’elt - à - dire , des formes d’organifation capables de
croître, de fe développer & de fe reproduire. Seulement
on pourrait croire avec alfez de fondement, que
la quantité de la matière brute qui a toujours été immen-
fément plus grande que celle de la matière vivante,
augmente avec le temps, tandis qu’au contraire la quantité
de la matière vivante diminue & diminuera toujours
de plus en plus, à mefure que la T erre perdra, par le
refroidilfement, les tréfors de fa chaleur, qui font en
même temps ceux de fa fécondité & de toute vitalité.
Car d’où peuvent venir primitivement ces molécules