ailleurs il fuffira qu’il foit majeftueux & grave. Le ton du
Philofophe pourra devenir fùblime toutes les fois qu’il
parlera des loix de la Nature, des êtres en général, de
l ’efpace, de la matière, du mouvement & du temps, de
l ’ame, de l’efprit humain, des fentimens, des paffions;
dans le relie il fuffira qu’il foit noble & élevé. Mais le
ton de l’Orateur & du Poëte, dès que le fujet elt grand,
doit toujours être fùblime, parce qu’ils font les maîtres
de joindre à la grandeur de leur fùjet autant de couleur,
autant de mouvement, autant d’illulîon qu’il leur plaît; &
que devant toujours peindre & toujours agrandir les objets.,
ils doivent auffi par-tout employer toute la force &
déployer toute l’étendue de leur génie.
ADRESSE a M.rs de l’Académie Françoîfe.
Que de grands objets, Meffieurs, frappent ici mes
yeux ! & quel flyle & quel ton faudroit-il employer pour
les peindre & les repréfonter dignement! l’élite des hommes
efl affembiée. La fàgeffe eft à leur tête. La gloire affifo
au milieu d’eux, répand fos rayons fur chacun & les
couvre tous d’un éclat toujours le même & toujours
renaiffant. Des traits d’une lumière plus vive encore
partent de fa couronne immortelle, & vont fe réunir fur
Je front augufte du plus puiffant & du meilleur des RoisffoL
Je le vois, ce Héros, ce Prince adorable, ce Maître fi
cher. Quelle nobleffe dans tous fes traits ! quelle majeflé
dans toute fà perfonne ! que d’ame & de douceur naturelle
(c) L o ü I s X V, le Bien-aimé.
D E M. D E B U F F O N> 13
dans fes regards ! il les tourne vers vous , Meffieurs,
& vous brillez d’un nouveau feu, une ardeur plus vive
vous embrafo; j ’entends déjà vos divins accens & les
accords de vos vo ix, vous les réuniffez pour célébrer
fes vertus, pour chanter fos victoires, pour applaudir à
notre bonheur ; vous les réuniffez pour faire éclater votre
zèle, exprimer votre amour, & tranfmettre à la poflérité
des fontimens dignes de ce grand Prince & de fos def-
cendans. Quels concerts, ils pénètrent mon coeur; ils
feront immortels comme le nom de L o u i s .
Dans le lointain , quelle autre foène de grands objets !
le génie de la France qui parle à Richelieu, & lui diéle
à la fois' l’art d’éclairer fes hommes & de faire régner
les Rois. La Juflice & la Science qui conduifont Séguier,
& l’élèvent de concert à la première place de leurs tribunaux.
La Viéloire qui s’avance à grands pas, & précède
le char triomphal de nos Rois, où L o u is - iæ-G r an d ,
affis fur des trophées, d’une main donne fa paix aux
nations vaincues, & de l’autre raffemble dans ce palais
les Mufes difperfées. Et près de moi, Meffieurs, quel
autre objet întéreffant! là Religion en pleurs’, qui vient
emprunter f’organe de l’éloquence pour exprimer fà douleur,
& fomble m’àccufor de fufpendre trop long-temps
vos regrets fur une perte que nous devons tous reffentir
avec elfe (d)*. >
(d)\ Çelie de M. Languet de Gergy, Archevêque de Sensauquel
j’ai fuccédé à l’Académie Françoife.