Sur la couleur des Nègres.
T out ce que j’ai dit fur la caufe de la couleur des
Nègres me paraît de la plus grande vérité; c ’eft la chaleur
exceffive dans quelques contrées du globe qui donne cette
couleur, ou pour mieux dire cette teinture aux hommes,
& cette teinture pénètre à l’intérieur, car le fàng des
Nègres eft plus noir que celui des hommes blancs. Or
cette chaleur exceffive ne fè trouve dans aucune contrée
montagneufe, ni dans aucune terre fort élevée fur le globe,
& c ’eft par cette raifon que fous l’Equateur même, les
habitans du Pérou & ceux de l’intérieur de l’Afrique,
ne font pas noirs. D e même cette chaleur excelïïve ne
fe trouve point fous l’Équateur, fur les côtes ou terres
balfes voifines de là mer du côté de l’orient, parce que
ces terres baffes font continuellement rafraîchies par le
vent d’eft qui paffe fur de grandes mers avant d’y arriver;
& c ’eft par cette raifon que les peuples de la Guyane,
les Brafdiens, &c. en Amérique, ainfi que les peuples de
Mélinde & des autres côtes orientales de l’Afrique, non
plus que les habitans des îles méridionales de l’Afie ne
font pas noirs. Cette chaleur exceffive ne Je trouve donc
que fur les côtes & terres baffes occidentales de l’Afrique,
oùlevent d’eft qui règne continuellement ayant à traverfer
une immenfe étendue de terre, ne peut que s’échauffer
en partant & augmenter par conféquent de plufieurs
degrés la température naturelle de ces contrées occidentales
de l ’Afrique; c ’eft par cette raifon, c’eft-à-dire,
par cet excès de chaleur provenant des deux circonftances
combinées de la dépreffion des terres & de l ’adion du
vent chaud, que fur cette côte occidentale de l ’Afrique
on trouve les hommes les plus noirs. Les deux mêmes
çirconftances produifènt a peu-près le même effet en
Nubie & dans les terres de la nouvelle Guinée ; parce
que dans ces deux contrées baffes le vent d’eft n’arrive
qu apres avoir traverfe une vafte étendue de terre. Au
contraire lorfque ce même vent arrive après avoir traverfé
de grandes mers, fur lefquelies il prend de la fraîcheur,
la chaleur feule de la zone torride,non plus que celle
qui provient de la dépreffion du terrein, ne fuffifènt pas
pour produire des Nègres, & c’eft la vraie raifon pourquoi
il ne s’en trouve que dans ces trois régions fur le
globe entier; favoir, i.° le Sénégal, la Guinée & les.
autres côtes occidentales de {’Afrique ; 2.0 la Nubie ou
Nigritie; 3.0 la terre des Papous ou nouvelle Guinée::
ainfi le domaine des Nègres n’eft pas auffi vafte, ni leur
nombre à beaucoup près auffi grand qu’on pourrait l ’imaginer
, & je ne fais fur quel fondement M. P. prétend
que le nombre des Nègres eft à celui des blancs, comme
un eft a vingt - trois f t) ; il ne peut avoir fur cela que
des aperçus bien vagues, car autant que je puis en juger,
l’efpèce entière des vrais Nègres eft beaucoup moins
nombreufè; je ne crois pas même qu’elle farte la centième
partie du genre humain, puifque nous fommes
maintenant informés que l ’intérieur de l’Afrique efl
peuplé d’hommes blancs.
(tj Recherches fur les Américains, tome I , page 2 j ç .