font toujours fufceptibles d’augmentation ! Â cela je
réponds, que cette augmentation dont ils font fufcep-
tibles, prouve évidemment qu’ils ne peuvent être infinis;
je dis de plus, que dans ces fuites if n’y a point de
dernier terme ; que même leur fuppofer un dernier terme,
c ’eft détruire l’effence de fa fuite qui confifte dans la
fbcceffion des termes qui peuvent être fiiivis d’autres
termes, & ces autres termes encore d’autres; mais qui
tous font de même nature que les précédens, c ’eft-à -
dire tous finis, tous compofés d’unités ; ainfi lorfqu’on;
fuppofè qu’une fuite a un dernier terme, & que ce dernier
terme efl un nombre infini, on vâ contre la définition
du nombre & contre la loi générale des fuites.
La plupart de nos erreurs en métaphyfique, viennent
de la réalité que nous donnons aux idées de privation;
nous connoiffons le fini, nous y voyons des propriétés
réelles, nous l ’en dépouillons, & en le confidérant après-
ce dépouillement, nous ne le reconnoiffons plus, & nous
croyons avoir créé un être nouveau, tandis que nous,
n’avons fait que détruire quelque partie de celui qui nous
étoit anciennement connu.
On ne doit donc confidérer l’infini, foit en petit, foit
en grand, que comme une privation , un retranchement
à l’idée du fini, dont on peut fe fervir comme d’une fup-
pofition qui, dans quelque cas, peut aider à fimplîfier les
idées, & doit généralifer leurs réfultats dans la pratique
des Sciences ; ainfi tout l’art fe réduit à tirer parti de
cette fuppofition, en tâchant de l’appliquer aux fujets
D'Ar ITHMÉT 1QÜE MORALE. I 09
que l’on confidère. Tout le mérite efl donc dans l ’application,
en un mot dans l ’emploi qu’on en fait.
X X V .
T outes nos connoiffances font fondées fur des
rapports & des comparaifons, tout eft donc relation dans
l ’Univers; & dès-lors tout eft fufceptible de mefure, nos
idées même étant toutes relatives n’ont rien d’abfolu. Il
y a , comme nous l’avons démontré, des degrés différens
de probabilités & de certitude. Et même l’évidence a plus
ou moins. de clarté, plus ou moins d’intenfité, félon les
différens afjreds, c ’eft-à-dire, füivant les rapports fous
lefquels elle fe préfente; la vérité tranfmifé & comparée
par différens efprits, paroît fous des rapports plus ou
moins grands, puifque le réfültat de l’affirmation, ou de
la négation d’une propofition par tous les hommes en
général, femble donner encore du poids aux vérités les
mieux démontrées & les plus indépendantes de toute
convention.
Les propriétés de la matière qui nous paroiffent
évidemment d'ftinêles les unes des autres, n’ont aucune
relation entr’elles ; l’étendue ne peut fe comparer avec
la pefanteur, l ’impénétrabilité avec le'temps, le mouvement
avec la fûrface, &c. Ces propriétés n’ont de
commun que le fujet qui les lie, & qui leur donne l ’être ;
chacune de ces propriétés confidérée féparément, demande
donc une mefure de fon genre, c ’eft-à -d ire ,
une mefure différente de toutes, les autres.