ne fe calme que par fe fentiment du repos le plus doux ;
c ’eft que comblé de gloire, il eft au-deffus de mes éloges;
Ic i, j’invoque encore la vérité; loin de me démentir,
elle approuvera tout ce que je viens de prononcer; elle
pourroit même m’en dicter davantage.
Mais, dira-t-on, l ’éloge en général ayant la vérité
pour bafe, & chaque louange portant fon caraétère
propre; le faifceau réuni de ces traits glorieux ne fera
pas encore un trophée ; on doit l’orner de franges, le
ferrer d’une chaîne de brillans ; car il ne fuffit pas qu’on
ne puiffe le délier ou le rompre ; il faut de plus le faire
accueillir, admirer, applaudir; & que l ’acclamation publique
, étouffant le murmure de ces hommes dédaigneux
ou jaloux, confirme ou juffifie la voix de l’Orateur. O r
l ’on manque ce but, fi l’on préfènte la vérité fans parure
& trop nue. Je l’avoue, mais ne vaut-il pas mieux facri-
fier ce petit bien frivole, au grand & folide honneur de
tranfmettre à la poftérité les portraits reffemblans de nos
contemporains î elle les jugera par leurs oeuvres, &
pourroit démentir nos éloges.
Malgré cette rigueur que je m’impofè ici, je me trouve
fort à mon aife avec vous, Monfieur; aétions brillantes,
travaux utiles, ouvrages favans, tout fe préfente à la fois ;
& comme une tendre amitié m’attache à vous de tous les
temps, je parlerai de votre perfonne avant d’expofer vos
talens. Vous fûtes le premier d’entre nous qui ait eu le
courage de braver le préjugé contre l ’inoculation; feuî
fans confeil, à la fleur de l’âge, mais décidé par maturité
de raifon, vous fîtes fur vous-même l ’épreuve qu’on
redoutoit encore; grand exemple parce qu’il fut le premier,
parce qu’il a été fiiivi par des exemples plus grands encore,
lefquels ont raffuré tous les coeurs des François fur la vie
de leurs Princes adorés. Je fus auffi le premier témoin
de votre heureux fuccès ; avec quelle fatisfaélion je vous
vis arriver de la campagne portant les impreffions récentes
qui ne me parurent que des fligmates de courage. Sou- '
Venez-vous de cet inflant ! l ’hilarité peinte fur votre vifage
en couleurs plus vives que celles du mal, vous me dites,-
fe fu is faiiVéj èr inon exemple en fauvera bien d ’autres.
C e dernier mot peint votre ame, je n’en connois^
aucune qui ait un zèle plus ardent pour le bonheur de
l ’humanité. Vous teniez la lampe facrée de ce noble
enthoufiafme lorfque vous conçûtes le projet de votre
ouvrage fur la félicité publique. Ouvrage de votre coeur,-
avec quelle affeélion n’y préfèntez-vous pas le tableau
fuccefïïf des malheurs du genre humain î avec quelle joie'
vous fàififîèz les courts intervalles de fon bonheur ou
plutôt de fa tranquillité. Ouvrage de votre efprit, que
de vues faines, que d’idées approfondies, que de combi-
naifons auffi délicates que difficiles : j’ofèle dire, fi votre
livre pèche c ’efl par trop de mérite : l’immenfè érudition
que vous j avez déployée, couvre d’une forte draperie
les objets principaux. Cependant cette grande érudition
qui feule fliffiroit pour vous donner des titres auprès de
toutes les Académies, vous étoit néceffaire comme preuve
de vos recherches ; yous avez puifé vos connoiffancés aux