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des Européens, & s’ils étoient vêtus, s’ils vivoient moins à l’air
& au grand foleil, ils feroient auffi blancs que nous; en général
leurs cheveux font noirs.
L a fécondé race eft d’une taille médiocre avec les cheveux
Crépus & durs comme du crin ; la couleur & les traits peu diffé-
rens de ceux des mulâtres ; les uns & les autres fe IailTent croître
la partie inférieure de la barbe; mais ils ont tous les mouftaches
& le haut des joues rafés; ils IailTent auffi toute leur longueur
aux ongles, excepté à celui du doigt du milieu de la main droite.
Ils ont l ’habitude de s’oindre les cheveux ainfi que la barbe avec
l ’huile de cocos. L a plupart vont nus fans autre vêtement qu’une
ceinture qui leur couvre les parties naturelles ; cependant les
principaux s’enveloppent ordinairement dans une grande pièce
d ’étoffe qu’ils IailTent tomber jufqu’aux genoux; c’ell auffi le feu 1
habillement des femmes ; comme elles ne vont jamais au foleil
fans être couvertes, & qu’un petit chapeau de canne garni de
fleurs, défend leur vifage de fes rayons, elles font beaucoup
plus blanches que les hommes; elles ont les traits allez délicats,
mais ce qui les diftingue, c’ell la beauté de leur taille & les
contours de leur corps qui ne font pas déformés comme en
Europe par quinze ans de la torture du maillot & des corps.
A u relie, tandis qu’en Europe les femmes fe peignent en rouge
les joues, celles de Taïti fe peignent d’un bleu foncé les reins
& les feffes ; c’ell une parure & en même temps une marque
de diltinélion. Les hommes ainfi que les femmes ont les oreilles
percées pour porter des perles ou des fleurs de toute efpèce ;
ils font de la plus grande propreté & fe baignent fans ceffe.
Leu r unique paffion ell l ’amour; le grand nombre de femmes
e ll le feul luxe des riches (y ) .
Voici maintenant l’extrait de la defcription que fe
(y) Voyage autour du monde, par M, de Bougainville, tome I I , in-o£lavoA
pages y y fuivantes.
À l’H i s t o i r e N a t u r e l l e . 5 4 5
capitaine C o o k donne de cette même île d’Otahiti &
de fes habîtans ; j’en tirerai les faits qu’on doit ajouter
aux relations du capitaine Wallis & de M. de Bougainville,
& qui les confirment au point de n’en pouvoir douter.
L ’île d’Otahiti ell environnée par un récif de rochers de
corail ( Les maifons n’y forment pas de villages, elles font
rangées à environ cinquante verges les unes des autres ; cette. î le ,
au rapport d’un naturel du pays, peut fournir fix mille fept cents
combattans.
Ces peuples font d’une taille & d’une flature fupérieure à
celle des Européens. Les hommes font grands, forts, bien membres
& bien faits. Les femmes d’un rang dillingué, font en général
au-deffus de la taille moyenne de nos Européennes; mais celles
d’une chiffe inférieure font au-deffous, & quelques-unes même
font très-petites; ce qui vient peut-être de leur commerce prématuré
avec les hommes..
Leu r teint naturel ell un brun-clair ou o liv e , il ell très-foncé
dans ceux qui font expofés à l’air ou au foleil. L a peau des femmes
d’une claffe fupérieure, ell délicate, douce & polie; la forme de
leur vifage ell agréable, les os des joues ne font pas élevés; ils
n’ont point les yeux creux, ni le front proéminent, niais en
général ils ont le nez un peu aplati; leurs y eu x , & fur-tout
ceux des femmes font pleins d’expreffion, quelquefois étincelans,
de Teu, ou remplis d’une douce fenfibilité ; leurs dents font
blanches & égales, & leur haleine pure.
Ils ont les cheveux ordinairement roides & un peu rudes; les
hommes portent leur barbe de différentes manières , cependant
ils en arrachent toujours une très-grande partie, & tiennent lé
relie très-propre. Les deux fexes ont auffi la coutume d’épiler
tous les poils qui crpiffent fous les aiffelles. Leurs mouvemens
I { 7 ) Cette exprefiïon, rocher de corail, ne fignifie autre choie qu’une roche
rougeâtre comme le granit.
Supplément. Tome IV.