les autres animaux des climats méridionaux, pourraient
fupporter un plus grand degré de chaleur que l’homme.
C ’eft par cette raifbn que je ne rapporte pas ici les expériences
de M. Boërhave, ni celles que M. Tillet a faites
fur les poulets, les lapins, &c. quoique très-curieufès.
On trouve dans les eaux thermales, des plantes & des
infeéles qui y naiffent & croiffent, & qui par conféquent
fupportent un très-grand degré de chaleur. Les Chaudes-
aigues en Auvergne ont jufqu’à foixante-cinq degrés de
chaleur, au thermomètre de Reaumur, & néanmoins il
y a des plantes qui croiffent dans ces eaux : dans celles
de Plombières, dont la chaleur eft de quarante - quatre
degrés , on trouve au fond de l’eau une efpèce de trenie lia ,
differente néanmoins de la tremella ordinaire, & qui
paraît avoir comme elle un certain degré de fènfibilité
ou de tremblement.
Dans i ’île de L uçon, à peu de diftanee de la ville
de Manille, eft un ruilfeau confidérable d’une eau dont
la chaleur eft de fbixante-neuf degrés, & dans cette eau
fi chaude il y a non-fèulement des plantes, mais même
des poiffbns de trois à quatre pouces de longueur. M.
Sonnerat, correfpondantdu Cabinet, m’aafluré qu’il avoit
vu , dans le lieu même, ces plantes & ces poiffons, & il
m a écrit enfùite a ce fujet une lettre dont voici l ’extrait:
En paffant dans un petit village fituê à environ quinze lieues
de Manille, capitale des Philippines, fur les bords du grand lac de
1 Ille de L u ço n , je trouvai un ruilfeau d’eau chaude, ou plutôt
d eau bouillante; car la liqueur du thermomètre de M . de Reaumur
monta à 69 degrés. Cependant le thermomètre ne fut plongé qu’à
une lieue de la fource: avec un pareil degré de chaleur la plupart
des hommes jugeront que toute production de la Nature doit
s’éteindre , votre fyftème & ma note fuivante prouveront le
contraire; je trouvai trois arbriffeauxl très - vigoureux, dont les
racines trempoient dans cette eau bouillante, & dont les têtes
étoient environnées de fa vapeur, fi confidérable que les hirondelles
qui ofoient traverfer le ruiffeau à la hauteur de fept à huit pieds,
tomboient fans mouvement; l ’un de ces trois arbrilfeaux étoit un
Agnus caflus, & les deux autres des Afpalatus. Pendant mon féjour
dans ce village, je n’ai bu d’autre eau que celle de ce ruilfeau, que
je faifois refroidir, je lui trouvai un petit goût terreux & ferrugineux;
le Gouvernement Efpagnol ayant cru apercevoir des propriétés
dans cette eau, a fait conllruire différens bains, dont le degré de
chaleur va en gradation, félon qu’ils font éloignés du ruilfeau. Ma
furprife fut extrême lorfque je vifitai le premier bain, de trouver
des êtres vivans dans cette eau dont le degré de chaleur ne me
permit pas d’y plonger les doigts; je fis mes efforts pour retirer
quelques-uns de ces poiffons, mais leur agilité & la maladrelfe des
Sauvages rultiques de ce canton, m’empêchèrent de pouvoir en
prendre un pour reconnoître l ’efpèce ; je les examinai en nageant,
mais les vapeurs de l ’eau ne me permirent pas de les diftinguer
affez bien pour les rapprocher de quelque genre, je les reconnus
feulement pour des poiffons à écailles de couleur brunâtre,'les
plus longs avoient environ quatre pouces. . . . Je lailfe au Pline de
notre fiècle à expliquer cette Angularité de la Nature. Je n’aurois
point ofé avancer un fait qui paroît fi extraordinaire à bien des
perfonnes, fi je ne pouvois l ’appuyer du certificat de M. Prevoft,
Commiffaire de la Marine, qui a parcouru avec moi l ’intérieur de
rifle de Luçon.
ipRM