de ces circonftances où le coeur agité né peut fe repolèr .
que fur les objets de fon illufion, & ne jouit que de fes
defirs; n’y a-t-il pas mille & mille occafions où la fagelfe
même doit jeter en avant un volume d’elpérance au défaut
d’une malfe de bien réeli Par exemple, la volonté de
faire'le bien, reconnue dans ceux qui tiennent les rênes
du Gouvernement, fût-elle fans exercice, répand fur
tout un peuple une fomme de bonheur qu’on ne peut
eftimer ; l’efpérance fût-elle vaine, eft donc un bien réel,
dont la jouilfance fe prend par anticipation fur tous les
autres biens. Je fuis forcé d’avouer que la pleine fagelfe
ne fait pas le plein bonheur de l ’homme, que malheu-
reufement la railbn feule n’eut en tout temps qu’un petit
nombre d’auditeurs froids, & ne fit jamais d’enthoufiaftes;
que l’homme comblé de biens, ne fe trouveroit pas
encore heureux s’il n’en efpéroit de nouveaux; que le
fùperflu devient avec le temps choie très-nécelfaire, &
que la feule différence qu’il y ait ici entre le Sage & le
non Sage , c ’elf que ce dernier, au moment même qu’il
fui arrive une furabondance de bien, convertit ce beau
fùperflu en trifte nécelfaire, & monte fbn état à l’égal
de fa nouvelle fortune; tandis que l’homme làge n’ufant
de cette furabondance que pour répandre des bienfaits
& pour fe procurer quelques plaifirs nouveaux, ménage
fa confommation de ce fuperflu en même temps qu’il
en multiplie la jouilfance.
X X I I .
L ’ é t a l a g e de f’elpérançe eft le leure de tous les
d’A r i thmé t iq u e mor a le . 93
pipeurs d’argent. Le grand art du faifeur de loterie, eft
de préfenter de greffes fommes avec de très-petites
probabilités, bientôt enflées par le relfort de la cupidité.
Ces .pipeurs groflilfent encore ce produit idéal en le
partageant, & donnant pour un très-petit argent, dont
tout le monde peut fe défaire, une efpérance qui, quoique
bien plus petite, paraît participer de la grandeur de
la fomme totale. On ne fait pas que quand la probabilité
eft au-delfous d’un millième, l’eljjérance devient
nulle, quelque grande que foit la fomme promife, puifque
toute chofe, quelque grande qu’elle puilfe être, fe réduit
à rien dès qu’elle eft nécelfairement multipliée par rien,
comme l’eft ici la greffe fomme d’argent multipliée par
fa probabilité nulle, comme l’eft en général tout nombre
qui, multiplié par zéro, eft toujours zéro. On ignore
encore qu’indépendamment de cette réduction des probabilités
à rien, dès qu’elles font au-delfous d’un millième,
f’efpérance fouffre un déchet fucceiïîf & proportionnel à
fa valeur morale de l’argent, toujours moindre que fa valeur
numérique, en forte que celui dont l’elpérance numérique
paroît double de celle d’un autre, n’a néanmoins que-f
d’efpérance réelle au lieu de 2 ; & que de même celui
dont l’eljaérance numérique eft 4 , n’a que 3 —- de cette
efpérance morale, dont le produit eftlelèul réel. Q u ’au
fieu de 8, ce produit n’eft que y ~ ; qu’au lieu de 16, il
n’eft que io | fp ; au lieu de 32 , 1 8jy§|-; au lieu de 64,
au lieu de
7oi73 9
2 56,
au lieu
3 4 ~ | fj- ; au lieu de 128, 61 ■ 7 34^
10 779 7 1
3 9062 5 9
7 8 5
au lieu de m É 198^