qu’une partie au moins de ce qu’on en raconte ne foit véritable. H
«fl étonnant que tout ce qu’on fait de cette nation ne foit que
recueilli des témoignages de celles qui les avoifinent ; qu’on n’ait
encore aucunes obfer varions de faite? fur les lieux, & que, foit les
Gouverneurs des Mes de France & de B ourb on, fo it les C om mandant
particuliers des différent polies que nous avons tenus fur
les côtes de Madagafcar, n’aient pas entrepris de faire pénétrer à
1 intérieur des terres dans le deffein de joindre cettd découverte à
tant d’autres qu’on auroit pu faire en même temps. L a chofe a été
tentée dernièrement, mais fans fuccès: l’homme qu’on y envoyoit
manquant de réfolution abandonna à la fécondé journée fon monde
& fes bagages, & n’a laiffé, lorfqu’il a fallu réclamer ces derniers ,
que le germe d’une guerre où i l a péri quelques blancs & un grand
nombre de noirs ; la méfintelligence q u i, depuis lors, a fuccédé à
la confiance qui régnoit précédemment entre les deux nations,
pourrait bien pour la troifième fois devenir funelle à cette poignée
de François q u ’on a laiffé« au fort Dauphin, en retirant ceux qui y
étoient anciennement. Je dis pour la troifième fois, parce qu’il y
a déjà eu deux Saint- Bartkélemi complettement exercées fur nos
garnifons dans cette île , fans compter celle des Portugais & des
HoIIandois qui nous y a voient précédés.
Pour revenir à nos Quimos & en terminer la note, j ’attellerai
comme témoin oculaire, que dans le voyage que je viens de faire,
au fort Dauphin, (fur la fin de 1770') M. le Comte d e Modave,
dernier Gouverneur, qui m’avoit déjà communiqué une partie
de ces obfervations, me procura enfin la fatisfaélion de pie faire
voir parmi fes efclaves, une femme Q u im o fe , âgée d’environ
trente ans, haute de trois pieds fept à huit pouces, dont la couleur
étoit en effet de la nuance la plus éclaircie que j ’aie vu parmi
les habitans de cette île; je remarquai quelle était très-membrue
dans fa petite- flature, ne reffemblant point aux petites pçrfonnes
fluettes, mais plutôt à une femme des proportions ordinaires dans
le détail, mais feulement raccourcie dans fa hauteur. . . . . que des
bras en étoient effeélivement très-longs & atteignans, fans qu’elle
fe courbât,à [la rotule du genou ; que fes cheveux étoient courts
& laineux, la phyfionomie affez bonne, fe rapprochant plus de
l ’Européenne que de la Malgache, quelle avoit habituellement
l ’air riant, l ’humeur douce & complaifante, & le bon feus commun,
à en juger par fa conduite, car elle ne favoit pas parler
• français. Quant au fait des mamelles, il fut suffi vérifié & il ne
s ’en trouva que le bouton, comme dans une fille de dix ans,
fans la moindre flaccidité de la peau qui pût faire croire q u ’elles
fufient paffées. Mais cette obfer.vatiou feule elt bien loin de fuffire
pour établir une exception à la loi commune de la Nature:
combien de filles & de femmes Européennes à la fleur de leur
â g e , n’ofirent que trop fou vent .cette défeclue.ufe conformation...
Enfin peu avant notre départ de Madagafcar, l’envie de recouvrer
.fa liberté, autant que la crainte d’un embarquement prochain,
portèrent la petite efclave à s’enfuir dans les bois; on la ramena,
bien quelques jours après , mais toute exténuée & prefque morte
de faim, parce que fe défiant des noirs comme des blancs, elle
n’avoit vécu pendant fon marronnage que de mauvais fruits & d e
racines crues; c ’ell vraifemblabfement autant à cette caufe qu’au
chagrin d’avoir perdu de vue les pointes des montagnes où elle
.étoit n é e , qu’il faut attribuer fa mort .arrivée environ un mois
après, à Saint-Paul, île de Bourbon, où le navirequi nous ramenoit
à l ’île de France a relâché pendant quelques jours. M. de Modave
avoit eu cette Quimofe en préfent d’un C h e f Malgache; elle avoit
paffé par les mains de plufieurs maîtres, ayant été ravie fort jeune
fu r les confins de fon pays,
■ To ut Confidéré, je conclus (autant fur cet échantillon que fur
les preuves aeceffoires) par croire affez fermement à cette nouvelle-
dégradation de i’efpèce humaine, qui a fon fignalement earac-
téri.ftiq.ue comme fes moeurs propres . . . . ..E t fi quelqu’un trop
difficile à perfuader, ne veut pas fe rendre aux preuves alléguées,,
(qu’on defireroit vraiment plus multipliées) qu’il faffe du moins