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fanté, d’une conflitution forte & robiifte, a eu originairement la
peau toute auffi noire que l ’Africain le plus brûlé ; mais dès l’âse
de quinze ans environ, elle s eft aperçue que les parties de fa peau
qui avoifinent les ongles & les doigts , devenoient blanches. Peu
de temps après le tour de fa bouche fubit le même changement,
6 le blanc a depuis continué à s’étendre peu-à-peu fur le corps,
en forte que toutes les- parties-de fa furface fe font reffenties
plus ou moins de cette altération furprenante.
Dans I état préfent, fur les quatre cinquièmes environ de la
furface de fon corps, fa peau eft blanche, douce & tranfparente
comme ceile d’une belle Européenne, & laiffe voir agréablement
les ramifications des vaifleaux fanguins qui font deflbus. Les parties
qui font reliées noires, perdent journellement leur noirceur; en
forte qu il eft vrailemblable qu un petit nombre d’années amènera
un changement total.
L e cou & le dos le long des vertèbres, ont plus confervé de
leur ancienne couleur que tout le r e lie , & femblent encore, par
quelques taches, rendre témoignage de leur état primitif. L a tête,
la face, la poitrine, le ventre, les cuifles, les jambes & les bras,
ont prefque entièrement acquis la couleur blanche; les parties
naturelles & les ailfelles ne font pas d’une couleur uniforme, &
la peau de ces parties eft couverte de poil blanc (laine ) où elle
eft blanche, & de poil noir où elle eft noire.
Toutes les fois qu’on a excité en elle des paffions, telles que
la colère, la honte, &c. on a vu fur le champ fon vifage & fa
poitrine s’enflammer de rougeur. Pareillement, lorfque ces endroits
du corps ont ete_ expofes a 1 aélion du feu , on y a vu paroître
quelques marques de roufleur.
Cette femme n’a jamais été dans le cas de fe plaindre d’une
douleur qui ait duré vingt-quatre heures de fuite; feulement elle
a eu une couché il y a environ dix-fept ans. Elle ne fe fouvient
pas que fes règles aient jamais été fupprimées, hors le temps de
ja groffeffe. Jamais elle n’a été fujette à aucune maladie de la
peau,
À l'Hi s t o ir e N a t u r e l l e . 5 7 7
peau, & n’a ufé d’aucun médicament appliqué à l ’extérieur, auquel
on puifle attribuer ce changement de couleur. Comme on fait
que par la brûlure la peau des nègres devient blanche, & que
cette femme eft tous les jours occupée aux travaux de la cuifine,
% on pourrait peut-être fuppofer que ce changement de couleur
auroit été l ’effet de la chaleur; mais il n’y a pas moyen de fâ
prêter à cette fuppofition dans ce cas-ci, puifque cette femme a
toujours été bien habillée, & que le changement eft auffi remarquable
dans les parties qui font à l’abri de l ’aélion du fe u , que
dans celles qui y font les pliis expofées.
L a peau confidérée comme émonéloire, paraît remplir toutes
fes fonéiions auffi parfaitement qu’il eft poffible, puifque la fueur
traverfe indifféremment avec la plus grande liberté les parties noires
les parties blanches ( p) .
Mais s’il y a des exemples de femmes ou d’hommes
noirs devenus blancs, je ne fâche pas qu’il y en ait
d’hommes blancs devenus noirs ; la couleur la plus
confiante dans l ’efpèce humaine efldoncle blanc, que le
froid exceffif des climats du pôle change en gris-obfcur,
& que la chaleur trop forte de quelques endroits de la
zone torride change en noir ; les nuances intermédiaires ,
c ’eft-à-dire, les teintes de bafané, de jaune, de rouge,
d’olive & de brun, dépendent des différentes températures
& des autres circonflances locales de chaque contrée;
l’on ne peut donc attribuer qu’à ces mêmes caufes la
différence dans la couleur des yeux & des cheveux, fur
laquelle néanmoins il y a beaucoup plus d’uniformité
que dans la couleur de la peau : car prefque tous les
(p) Extrait d’une lettre de M.re Jacques Bâte, à M. Alexandre "Williamfon,
en date du 2.6 Juin 1 7 6 0 . Journal étranger, mois d ’A o û t 1 7 6 0 .
Supplément. Tome IV. D d d d
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