D e la première Table des naiffances, des mariages
& des morts à Paris, depuis l’année 1709 jufqu’en 176 6,
on peut inférer :
i.° Que dans l’elpèce humaine la fécondité dépend
de l ’abondance des fubfiftances, & que la difette produit
la ftérilité; car on voit qu’en 1 7 10 , il n’ell né que
1 3634. enfans, tandis que dans l’année précédente 1709
& dans la fuivante 171 1, il en eft né 16910 & 16 5:9 3.
La différence qui eft d’un cinquième au moins, ne peut
provenir que de la famine de 1709 ; pour produire
abondamment il faut être nourri largement ; l ’efpèce
humaine affligée pendant cette cruelle année, a donc
non-feulement perdu le cinquième fur fa régénération,
mais encore elle a perdu prefqu’au double de ce qu’elle
auroit dû perdre par la mort, car le nombre des morts a
été de 29288 en 1709, tandis qu’en 1 7 1 1 & dans les
années fùivantes , ce nombre n’a été que de 1 5 ou
16 mille, & s’il fe trouve être de 23389 en 1 7 10 ,
c ’eft encore par la mauvaifè influence de l ’année 1709 ,
dont le mal s’efl étendu fur une partie de l’année fuivante
& jufqu’au temps des récoltes. C ’efl par la même raifon
qu’en 1709 & 1 7 1 0 , il y a eu un quart moins de
mariages que dans les années ordinaires.
2.0 Tous les grands hivers augmentent la mortalité;
fi nous la fuppofons d’aprèscette même Table de 18
à 19 mille perfonnes, anriee commune à Paris, elle
s’efl; trouvée de 29288 en 170 9 , de 23389 en 1710,
de 2 5 2 8 4 en 1740, de 2357400 1 7 4 1 , & de 22784
N a i s s a n c e s , M a r i a g e s , ère. 279
en 174 2 , parce que l’hiver de 1740 à 174 1 , & celui
de 1742 à 1743 ont été les plus rudes que l’on ait
éprouvés depuis 1709. L ’hiver de 1754, efl auffi marqué
par une mortalité plus grande, puifqu’au lieu de 18 ou
19 mille qui eft la mortalité moyenne, elle s’eft trouvée
en 1753 de 2 1 7 1 6 , & en 1754 de 21724.
3.0 C ’eft par une raifon différente que la mortalité
s’eft trouvée beaucoup plus grande en 1 7 19 & en 1720:
il n’y eut dans ces deux années ni grand hiver ni difette,
mais le fÿftème des finances attira un fi grand nombre
de gens de province à Paris , que la mortalité au lieu
de 18 à 19 mille, fut de 24 151 en 1 7 1 9 , & de
20371 en 1720.
4.0 Si l’on prend le nombre total des morts pendant
les cinquante-huit années, & qu’on divife 1087995 par
y 8 pour avoir la mortalité moyenne, on aura 18 7 58 ,
& c ’eft par cette raifon que je viens de dire , que cette
mortalité moyenne étoit de 1 8 ou de 19 mille par chacun
an. Néanmoins comme l’on peut préfùmer que dans les
commencemens, cette recherche des naiffances & des
morts ne s’eft pas faite auffi exactement, ni auffi com-
plettement que dans la fuite ; je ferois porté à retrancher
les douze premières années, & j’établirois la mortalité
moyenne fur les quarante-fix années depuis 172 1 jufqu’en
17 6 6 , d’autant plus que la difette de 1709, & l ’affluence
des provinciaux à Paris en 1 7 1 9 , ont augmenté confi-
dérablement la mortalité dans ces années, & que ce
n’eft qu’en 1721 qu’on a commencé à comprendre les