l’a copié, aient ignoré tout cela, & m’aient également
reproché d’avoir décrit un peuple imaginaire, & dont on
ignoroit même le nom. M. Klingftedt a demeuré pendant
plufieurs années à Archangel, où les Lappons-Mofcovites
& les Samojedes viennent, dit-il, tous les ans en aflez
grand nombre avec leurs femmes & enfans, & quelquefois
même avec leurs rennes, pour y amener des huiles
de poiffon ; il femble dès-lors qu’on devroit s’en rapporter
à ce qu’il dit fur ces peuples, & d’autant plus
qu’il commence la critique par ces mots : M. de Buffbn
qui s’efi acquis un f i grand nom dans la république des Lettres,
ir au mérite difiingué duquel je rends toute la jufiice qià lui
eft dûe, fie trompe, ère. L ’éloge joint à la critique la rend
plus plaufible, en forte que M. de Voltaire & quelques
autres perfonnes qui ont écrit d’après M. Klingftedt, ont
eu quelque raifon de croire que je m’étois en effet trompé
fur les trois points qu’il me reproche. Néanmoins je crois
avoir démontré que je n’ai fait aucune erreur au fujet
des Zembliens, & que je n’ai dit que la vérité au fujet
des Borandiens. Lorfqu’on veut critiquer quelqu’un dont
on eftime les ouvrages & dont on fait l ’éloge, il faut au
moins s’inftruire affez pour être dq^ niveau avec l ’Auteur
que l’on attaque. Si M. Klingftedt eut feulement parcouru
tous les voyages du nord dont j’ai fait l ’extrait, s’il eut
recherché les journaux des voyageurs Holiandois, & les
globes de M. Senex, il auroit reconnu que je n’ai rien
avancé qui ne fût bien fondé. S ’il eût confulté la géographie
du roi Ælfred, ouvrage écrit fur les témoignages
des anciens voyageurs Othere & Wulfitant (b), il auroit
vu que les peuples que j ’ai nommés Borandiens d’après
les indications modernes, s’appeloient anciennement
B e or mas ou Boranas dans le temps de ce Roi géographe;
que de Boranas on dérive aifëment Boranda, & que c ’eft
par conféquent le vrai & ancien nom de ce même pays
qu’on appelle à préfent Peippra§ lequel eft fitué entre
les Lappons-Mofcovites & les Samojedes, dans la partie
de la terre coupée par le cercle polaire, & traverfée dans
fa longueur du midi au nord par le fleuve Petzora. Si
l ’on ne connoît pas maintenant à Archangel le nom des
Borandiens, il ne falloit pas en conclure que c ’étoit un
peuple imaginaire, mais feulement un peuple dont le
nom avoit changé, ce qui eft fouvent arrivé, non-feulement
pour les nations du nord , mais pour plufieurs
autres, comme nous aurons occafion de le remarquer
dans la fuite, même pour les peuples d’Amérique, quofe
qu’il n’y ait pas deux cents ou deux cents cinquante
ans qu’on y ait impofé ces noms qui ne fubfiftent plus
aujourd’hui (c ).
3.0 M. Klingftedt affure que j’ai avancé une chofie.
dèfiituée de tout fondement, lorfique je prends pour une même
(b) Voyez la traduction d’Oro-
fms, par le roi Ælfred. Note fur.
le premier chapitre du premier
livre, par M. Forfter, de la
Société royale de Londres. 1773 ,
in-8.° pages 2 4 1 i f fuiy.
(c) Un exemple remarquable de
ces changemens de nom, c ’elt
que l’EcolTe s’appeloit Iraland ou
Irland dans ce même temps où les
Borandiens ou Borandas étoienff
nommés Beormas ou Boranas.