la vertu plus aimable: vous rendriez même, s’il étoit
poffible, le vice moins choquant ; mais jamais vous n’avez
habité dans un coeur corrompu; la honte y a pris votre
place ; elle prend auffi vos traits lorfqu’elie veut fortir de
ces replis obfcurs où le crime l’a fait naître, elle couvre
de votre voile fa confufiort, fa baffeffe ; fous ce lâche
déguifement elle ofe donc paraître, mais elle foutient
mal la lumière du jour, elle a l’oeil trouble & le regard
louche, elle marche à pas obliques dans des routes fou-
terraines où le foupçon la fuit, & lorfqu’elie croit échapper
à tous les yeux, un rayon de la vérité luit, il perce le
nuage; l’illufion fe diffipe, le preftige s’évanouit, le
fcandale feul refie & l’on voit à nu toutes les difformités
du vice grimaçant la vertu.
Mais détournons les yeux; n’achevons pas le portrait
hideux de la noire hypocrifie, ne difons pas que quand
elle a perdu le mafque de la honte, elle arbore le panache
de l ’orgueil, & qu’alors elle s’appelle impudence ;
ces monftres odieux font indignes de faire ici contrafle
dans le tableau des vertus ; ils fouilleroient nos pinceaux ;
que la modeflie, la piété, la modération, la fagefferfoient
mes fèuls objets & mes feuls modèles ; je les vois ces
nobles filles du Ciel fourire à ma prière, je les vois
chargées de tous leurs dons, s’avancer à ma voix pour
les réunir ici fur la même perfonne : & c ’eft de vous,
Monfieur, que je vais emprunter encore des traits vivans
qui les caraélérifent.
A u peu d’empreffemem que vous ayez marqué pour
les
îes dignités, à la contrainte qu’il a fallu vous faire pour
vous amener à la C ou r , à l’efpèce de retraite dans laquelle
vous continuez d’y vivre, aü refus abfolu que vous fîtes
de l’archevêché de Tours qui vous étoit offert, aux délais
même que vous avez mis à fàtisfaire les voeux de l ’A ca démie;
qui pourroit méconnoître cette modeflie pure
que j ’ai tâché de peindre! l ’amour des peuples de votre
diôcèfe, la tendreffe paternelle qu’on vous connoît pour
eux, les marques publiques qu’ ils donnèrent de leur joie
lorfque vous refufates de les quitter, & parûtes plus flatté
de leur attachement que de l’éclat d’un fiége plus élevé,
les regrets univerfels qu’ils ne ceffent de faire encore
entendre, ne font-ils pas les effets les plus évidens de
la fageffe, de la modération, du zèle charitable, & ne
fuppofent-ils pas lé talent rare de fe concilier les hommes
en les conduifant ! talent qui ne peut s’acquérir que par
une connoiffance parfaite du coeur humain, & qui cependant
paroît vous être naturel, puifqu’il s’efl annoncé
dès les premiers temps, lorfque formé fous les yeux
de M. le Cardinal de la Rochefoucault, vous eûtes fa
confiance & celle de tout fbn diocèfè; talent peut-être
le plus néceffaire de tous pour le fuccès de l’éducation
des Princes; car ce n’efl en effet qu’en fe conciliant
leur coeur que l’on peut le former.
Vous êtes maintenant à portée, Monfieur, de le faire
valoir, ce talent précieux ; il peut devenir entre vos mains
i’inflrument du bonheur des hommes ; nos jeunes Princes
font deftinés à être quelque jour leurs maîtres ou leurs
Supplément. Tome IV. C