fources même dufavoir, & fuivant pas-à-pas les Auteurs
contemporains , vous avez préfenté la condition des
hommes & l’état des Nations fous leur vrai point de
vue; mais avec cette exactitude fcrupuleufë & ces pièces
juftifîcatives qui rebutent tout leéteur léger, & fuppofent
dans les autres une forte attention. Lorfqu’ii vous plaira
donc donner une nouvelle culture à votre riche fonds,
vous pourrez arracher ces épines qui couvrent une partie
de vos plus beaux terreins, & vous n’offrirez plus qu’une
vafte terre émaillée de fleurs & chargée de fruits que tout
homme de goût s’empreflera de cueillir. Je vais vous
citer à vous-même pour exemple.
Quelle leéfure plus inftruétive pour les amateurs des
A r ts , que celle de votre Eflai fur l’union de la Poëfie
& de la Mufique ! C ’eft encore au bonheur public que
cet ouvrage eft confacré ; il donne le moyen d’augmenter
les plaifirs purs de l’elprit par le chatouillement innocent
de l’oreille ; une idée mère & neuve s’y développe avec
grâce dans toute fon étendue ; il doit y avoir du ftyle
en mufique, chaque air doit être fondé fur un motif,
fur une idée principale relative à quelque objet fenfible;
& l’union de la mufique à la poëfie ne peut être parfaite
qu’autant que le Poëte & le Muficien conviendront d’avance
de repréfenter la même idée, l’un par des mots
& l’autre par des fons. C ’eft avec toute confiance que je
renvoie les gens de goût à la démonflration de cette vérité,
& aux charmans exemples que vous en avez donnés,
Quelle autre lecture plus agréable que celle des éloges
5 de
de ces illuftres guerriers, vos amis, vos émules, & que
par modeftie vous appelez vos maîtres 1 deftiné par votre
naiflance à la profeffion des armes; comptant dans vos
ancêtres de grands militaires, des hommes d ’Etat plus
grands encore, parce qu’ils étoient en même-temps très-
grands hommes de Lettres; vous avez été pouffé, par
leur exemple, dans les deux carrières, & vous vous êtes
annoncé d’abord avec diflinétion dans celle de la guerre.
Mais votre coeur de paix, votre efprit de patriotifme &
votre amour pour l’humanité, vous prenoient tous les
momens que le devoir vous laifloit; & pour ne pas trop
s’éloigner de ce devoir facré d’état, vos premiers travaux
•littéraires ont été des éloges militaires; je ne citerai que
celui de M, le baron de Clofen, & je demande fi ce
n’eft pas une efpèce de modèle en ce genre !
Et le Difcours que nous venons d’entendre n’eft-il
pas un nouveau fleuron que l’on doit ajouter à vos anciens
blafons! la main du goût va le placer, puifque c ’eft fbn
ouvrage, elle le mettra fans doute au-deflus de vos
autres couronnes.
Je vous quitte à regret, Monfieur, mais vous fitccédez
à un. digne Académicien qui mérite aufli des éloges, &
d ’autant plus qu’il les recherchoit moins ; fa mémoire
honorée par tous les gens de bien, nous eft chère en
particulier, par fon refpeél confiant pour cette compagnie :
Al. de Châteaubrun, homme jufte & doux, pieux, mais
tolérant, fentoit, fàvoit que l’empire des Lettres ne peut
s’accroître & même fie foutenir que par la liberté; il
Supplément. Tome IV. E