5 5 ol S u p p l é m e n t
Les femmes, continue M. C o o k , n’ont pas beaucoup de délicate
ffe dans les traits, néanmoins leur voix eft d’une grande
douceur ; c ’eft par - là qu’on les diflingue des hommés, leurs
habillemens étant les mêmes : comme les femmes des autres pays*
elles ont plus de gaieté, d’enjouement & de vivacité que les
hommes. Les Zélandois ont les cheveux & la barbe noire; leurs
dents font blanches 8c régulières; ils jouiffent d’une fanté robufte
6 il y en a de fort âgés. Leur principale nourriture eft de
poiffon, qu’ils ne peuvent fe procurer que fur les cotes, lefquelles
ne leur en fourniffent en abondance que pendant un certain temps.
Ils n’ont ni cochons, ni chèvres, ni volailles, 8c ils ne favent
pas prendre les oifeaux en allez grand nombre.pour fe nourrir;
excepté les chiens qu’ils mangent, ils n’ont point d’autres fubfiltances
que la racine de fougère, les ignames 8c les patates . . . . Ils font
auffi décens 8c modeftes que les Infulaires de la mer du fud font
Voluptueux & indécens, mais ils ne font pas auffi propres..........
parce que ne vivant pas dans un climat auffi chaud ils ne fe
baignent pas fi fouvent.
Leu r habillement eft au premier coup d’oeil tout-à-fait bizarre.
Il eft compofé de feuilles d’une efpèce de glayeul, qui étant
coupées en trois bandes, font entrelacées les unes dans les autres
& forment une forte d’étoffe qui tient le milieu entre le réfeau
8c le drap; les bouts des feuilles s’élèvent en faillie comme de la
peluche ou les' nattes que l’on étend fur nos efcaliers. Deux pièces
de cette étoffe font un habillement complet; l ’une eft attachée
fur les épaules avec un cordon 8c pend jufqu’aux genoux; au bout
de ce cordon eft une aiguille d’os qui joint enfemble les deux
parties de ce vêtement. L ’autre pièce eft enveloppée autour de
la ceinture 8c pend prefque à terre. Les hommes ne portent que
dans certaines occaftons cet habit de delfous; ils ont une ceintiTre
à laquelle pend une petite corde deftinée à un ufage très-fmgulier.
Le s Infulaires de la mer du fud fe fendent le prépuce pour l’empêcher
de couvrir le gland; les Zélandois ramènent au contraire
le prépuce fur le gland, 8c afin de l ’empêcher de fe retirer, ils
en nouent l’extrémité avec le cordon attaché à leur ceinture, &
le gland eft la feule partie de leur corps qu’ils montrent avec
une honte extrême.
Cet ufage plus que fingulier, femble être fort contraire
à la propreté ; mais il a un avantage, c’eft de maintenir cette
partie fenfible & fraîche plus long-temps; car l’on a
oblèrvé que tous les circoncis & même ceux qui fans être
circoncis ont le prépuce court, perdent dans la partie qu’il
couvre la fenfibilité plutôt que les autres hommes.
A u nord de la nouvelle Zélande, continue M. C o o k , il y a
des plantations d’ignames, de pommes de terre & de cocos ■ on
n’a pas remarqué de pareilles plantations au fud, ce qui fait croire
que les habitans de cette partie du fud , ne doivent vivre que de
racines de fougère , & de poiffon. II paroît qu’ils n’ont pas d’autre
boiffon que de l ’eau. Ils jouiffent fans interruption d’une bonne
fanté, 8c on n’en a pas. vu un feul qui parût affeélé de quelque
maladie. Parmi ceux qui étoient entièrement nus, on ne s’eft
pas aperçu qu’aucun eût la plus légère éruption fur la peau, ni
aycune trace de pullules ou de boutons; ils ont d’ailleurs un
grand nombre de vieillards parmi eu x, dont aucun n’eft décrépit...
Ils paroiffent faire moins de cas des femmes que les Infulaires
de la mer du fu d , cependant ils mangent avec elles, & les
Otahitiens mangent toujours feuls ; mais les reffemblances qu’on
trouve entre cé pays & les îles de la mer du fud, relativement
aux autres ufages, font une forte preuve que tous ces Infulaires
ont la même origine — L a conformité du langage paroît établir
ce fait d’une manière inconteftable ; Tupia, jeune Otahitien que
nous avions avec nou s, fe faifoit parfaitement entendre des
Zélandois (e). '
(e) Voyage autour du monde, par M. Cook, tome I I I , chapitrex.