Meilleurs, a ofé le premier créer un poëme pour û
Nation ; & ce fécond génie influera fur trente autres fiècles :
j ’ofèrois le prédire; fi les hommes, au lieu de fe dégrader,
vont en fe perfectionnant ; fi le fol amour de la fable ceffe
enfin de l’emporter fur la tendre vénération que l ’homme
fage doit à la vérité; tant que l ’empire des lys fubfiftera,
la Henriade fera notre Iliade : car à talent égal, quelle
eomparaifbn, dirai-je à mon tour, entre le bon grand
Henri & le petit Uiifle ou le fier Agamemnon, entre
nos Potentats & ces Rois de village, dont toutes les
forces réunies feroient à peine un détachement de nos
armées l quelle différence dans l’art même! n’efl-il pas plus
aifé de monter l’imagination des hommes que d’élever
leur raifbn ! de leur montrer des mannequins gigantefques
de héros fabuleux, que de leur préfenter les portraits
reffemblans de vrais hommes vraiement grands !
Enfin quel doit être le but des repréfentâtions théâtrales,
quel peut en être l ’objet utile ! fi ce n’efl d’échauffer
le coeur & de frapper l’ame entière de la Nation par les
grands exemples & par les beaux modèles qui l’ont
illultrée. Les Etrangers ont avant nous fenti cette vérité :
le T a ffe , Milton, le Camoens fe font écartés de la
route battue ; ils ont fu mêler habilement l’intérêt de la
religion dominante à l’intérêt national , ou bien à un
intérêt encore plus univerfèl : prefque tous les Dramatiques
anglois , ont puifé leurs fujets dans l ’hiftoire de
leur pays; auffi la plupart de leurs pièces de théâtre font-
elles appropriées aux moeurs angloifes ; elles ne préfentent
que le zèle pour la liberté, que l’amour de l’indépendance,
que le conflit des prérogatives. En France, le zèle pour
la patrie, & fur - tout l ’amour de notre R o i, joueront
à jamais les rôles principaux, & quoique ce femiment
n’ait pas befoin d’être confirmé dans des coeurs françois,
rien ne peut lesremuer plus délicieufement que de mettre
ce fentiment en aétion, & de l ’expôfer au grand jour,
en le faifant paraître fur la fcène avec toute fà nobleffe
& toute fan énergie. C ’eft ce qu’a fait M. de Belioi ;
c’efî ce que; nous avons, tous fenti avec tranfport à la
repréfentation du fiége de Calais; jamais applaudiffemens
n’ont été plus univerfèls ni plus multipliés..........Mais,
Monfieur, l ’on ignorait jufqu’à ce jour la grande part
qui vous revient de ces applaudiffemens. M.- de Belioi a
dit à fès amis qu’il vous devoit le choix, de fbn fiajet,
qu’il ne s’y étoit arrêté que- par vos confèrls. 11 parloit
fouvent de cette obligation ; avons-nous pu mieux acquitter
fa dette qu’en vous priant, Monfieur de prendre ici là
place !