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V O Y A G E S
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1705. CCS barcjucs-là n'aÎLintQu'une peti-
14. JÎM- te iiacre, qu'on ne fauroit jettcren
pleine eau, lorique le vent eft violent
, parce qu'elle n'cft pas capable
de rclifter à la tempête, quine
dura pas long-tems. La nuit nous
allâmes à terre à 20. werfies de Saratof,
où nous fîmes bon f e u , &
trouvâmes des chênes,desrofesiauyages
& d'autres flours. Aprèsnous
être un peu remis, nous retournâmes
à bord. Mais nous n'y fumes
pas plùtôt arrivés , .qu'un de nos
fub'tt." "^tchiiids Arméniens eut une convullîon
qui fit defefperer de fa vie.
I l demeura 2. ou 3. heures en cetét
a t , après quoi il reprit quelque
mouvement, mais fans pouvoir parler.
Sur ces entrefaites nousarnvàmes
à SaraUf, & le portâmes fur
le tillac , oil il lui fortit du f i ng
caillé par labouclie, ce qui nous fit
croire qu'il avoit une apofthame
dans la gorge, & qu'il n'en réchaperoit
pas. iNous envoyâmes cependant
à la ville chercher un medecin
ou un chirurgien, mais il ne
s 'y en trouva pas. Ne pouvant être
utile au pauvre malade , j'allai
voir h v i l l e , qui eft fituée au fudf
S r ' ^ nord-eft du
tof.""' J-hilga, contre, & en partiefurune
montagne i fon'faux bourg s'étendant
le long de la riviere. Je trouvai
qu'elle etoitfansmuraillesfurla
hauteur, avec des tours de bois à
quelque diftance les unes des autres.
E l l e a une porte à un quart de lieue
de la riviere , une autre à gauche,
feparéede la v i l l e , & une troifième
du côté de Mofcou par terre , avec
quelques paliifades entre deux. Lors
qu'on en approche du côté qui eft
à la droite de la r i v i e r e , on trouve unedefcenteavecdesjardinsi
& l'on
voit au-delà de cette derniere porte
un pais ouvert, & un chemin battu,
par lequel les marchands qui viennent
SAflracan par terre , fe rendent
à Mofcou. Il s'y trouve plufieurs
églifes de bois, & c'eft ce qu'il
y a de plus remarquable. Les habitans
en font tous Rvsfiens, & prefque
tous foldats , commandez par un
Gouverneur. 11 y a 8. ans que cette
ville fut reduite en cendres par
lin incendies mais on l'a entiere-1703.
ment rebâtie. Les 'Tartares y font '4- Mii.
des courfes cont inue l l e s ,J &VX . as ' é t e n - E ? Î " .
dent jufqucs a la mer Caffieme, &
a la riviere de Jaika. On compte
qu elle eft à 350. werjies de Samara
, à la hauteur du 52. degré 12.
minutes. Nous y vîmes pluficurs
barques remplies de foldats, qu'on
devoir traniporter à AJoph & ailleurs
, & nous en partîmes avant midi.
On ne voit de la riviere que les
tours & le haut des e g l i f e s , lefauxbourg
étant entre-deux.
Lors que nous fumes de retour à
notre barque, nous trouvâmes le
malade au même état,-où nousl'avions
lailTé, & il mourut fur les 3. Mort
heures. Cela nous f u r p r i t , l'aiant "i'"»
vù à terre en p a r f i i t e finte la nuit
prccedente. Ses compagnons en
marquèrent une douleur fenfible, & Douleur
le couvrirent d'une toile de coton, compaqu'ils
lui attachèrent autour destriotes.'
jambes , lui mirent un livre fur la
tête, une croix fur l'cftomac & de
l'encens à la tête. Enfuite deux Leurs ctfi
d'entr'eux fe mirent à lire dans un
livre pendant deux heures de tems
& on lui prépara cependant un linceul,
une chemife & un calleçon de
toile neuve. Cela f a i t , fes domeftiques
allèrent chercher un lieu propre
à le mettre en terre. Avant de
l ' y porter on lut & on chanta une
féconde fois à côté du corps. Lors
qu'il f l j t a terre , on le dépouilla,
& on lui lava la tête , puis tout le
corps, qu'ils poférent furuneplanc
h e , & lui mirent fon calleçon & fa
chemife neuve, & une croix autour
du col , laquelle lui tomboit fur
l'eftomac ; un chapelet à la main
droite, & un petit cierge à la gau.
che. Enfuite ils lui mirent des emplâtres
ou des linges fur les yeux,
fur la bouche & fur les oreilles, 8c
lui croiférent les bras. Cela fait,
ils l'envelopérent'dans un linceul,
& le poférent fur un brancard couvert
d'untapis. Ilsleportérentainfi
en procedion fur le haut de la montagne,
où on lui avoit fait une fofi
é ; & puis fe remirent à chanter &
à lire. Les Arméniens lui aiant baifé
le front l'un après l'autre, le mirent