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386 V O Y A G E S
1706 y ^ ^^^^^ bâtiment au
4. Dec. milieu de ce jardin, avec un grand
falon très-bien peint. On voit du
pli de petits appartemens. Je paf-1706.
fai la nuit à la loge ou maifon de la 4- Dee.
Compagnie, & y fus parfaitemenc
haut de cet .édifice tout le pais d'à- j bien régalé le lendemain avec plu-,
lenteur j & il a un ferail feparé 3 rem-1 fieurs autres.
C H A P I T R E LXXIX.
Félicitations fur k nouvel an érc. Regal dun Marchand Armenien.
Procédé extraordinaire & mort d'un Minißre de France.
Guebres j leur calcul de la durée du monde leur croyance
& leurs maniérés.
^ J Q J T e jour d e l ' an 1707. j ' a l -
I. Tanv. ^ lai feliciter Monfieur le Direc- £ teur, & lui fouhaiter une heureufe
année, à la maniere du pais. Il
me retint à dîner avec le pere Antonio
^ le bourguemaitre àç, Juif a y
plufieurs des principaux marchands
Arméniens i & la plûpart des Religieux
Europeans. 11 tomba de la
pluie ce jour-là.
Le fixteme j'allai auiîl feliciter
Monfieur l'Agent à'Angleterre ¡c^ñ
regala la même Compagnie j qui
s'étoit trouvée le premier jour de
- l'an chez notre Direâreur. On s'y
divertit à merveille au fon de plufieurs
inftrumens , & au bruit de
cinq petites pieces de canon.
Le feptieme on folemnifa le dernier
jour du grand jeûne des Perfatis,
qui avoit duré un mois entier.
Qiielques jours après, Moniieur
le Direfteur me vint rendre
vifite,& nous allâmes dîner le lendemain
à Julfa , chez Monfieur
Gregoire de Sumael. En traverfant
une plaine à cheval pour nous y
rendre, le cheval de Monfieur le
Dire£teur fe renverfa avec lui dans
un fofle, rempli de neige,dont on
eut bien de la peine à les tirer. Nous
trouvâmes chez cet yim?««» le Patriarche,
le Pere Antonio Dejiiro ;
le fécond du Directeur de la Compagnie
An^loife y quelques Eccleíiaííiques
François & un grand nombre
de Marchands Arminiens, en
toutplusde5o.perfonnes. Onnous
regala d'abord de confitures, de liqueurs
chaudes, d'eau de vie 6c de
tabac J & enfuite de toutes fortes
de mets. Le Patriarche bénit la ta-Feflin
ble, 6c prit un pain qu'il rompit
en prefenta à plufieurs des conviés,
ceremonie que je n'avois pas vue
jufques alors. La fale , qui étoit
fort grande, étoit couverte d'une
nape de toile de cotton, autour de
laquelle .pous nous mimes à la maniere
du pais. Les domeftiques a- .
voient foin de fervir des viandes à •,
un châcun,6c de leur verfer à boi--'?
re. On y but à la fanté de p u s les
conviés & de plufieurs perfonnes '
abfentes, & on fe fepara Air lefoir.
Le dix-feptieme on celebra le baptême
de la croix , dont on a déjà
parlé.
On apprit en ce tems-là, que Mort <3«
Monfieur Fabre, qui venoit à la i'Ambar-
CoucdePerfe,tn qualité d ' A m b a f - ^ e.
fadeur de Ra/ice, étoit mort à Erivan
le 20. Août i qu'on n'avoit trouvé
que 4. ducats fur lui, 6c qu'il
avoit laifle plus de 100. mille livres
de dettes ^Conjianùnopk ¡Scíífemme,
qui étoit Greque: qu'il avoit
amené une autre femme de Paris i
laquelle pretendoitfe rendre à Ifpahan
avec le caraftère du défunt, 6c
y faire fon entrée à cheval, vêtue
en Amazone , la tête nuë , chofe
directement oppofée aux moeurs 6c
aux manieres du pais. On attendoit
avec impatience l'iiTue de cette
affaire, lors qu'on apprit, que
Monfieur Michel, fecretaire de
l'Ambaflade de France à la Porte,
de-
1707
DE C O R N E I L L E LE B R U N.
Converfation
a
Prêtre
Guebre.
Leur
troyanc
devoit le rendre ici. On apprit aaffi
par la voye à'Alep, que le Roi crès-
Chrétien y avoit envoyé ordre de
fe faifir de Monfieur Fabre, pour
renvoyer prifonnier en France, malheur
qu'il prcvmc par fa mort.
Nous apprîmes enfuite par des
lettres à'Erivan du mois de Fevriçr
1707. que fur un certain différend
furvenu entre les gens delafuitede
cette AmbaiTade Se les habitans de
la ville , dont on prétendoit que
l'Amballadrice étoit caufe, on en
étoit venu aux mains, 6c que plufieurs
fix termes, qu'ils nomment Mey-de- j-p,^,
ferem, Mey-doesjem, Peti-esjaeyhem -, 17,janV.
Eoos-aen, Meyhe-jerihen , 6c Arnmaespas
Per fans aiant été tués i on
avoit fait main bifi"e fur les Françoisy
6c qu'on en avoit envoyé une
partie en prifon , parmi lefquels
quelques Arméniens s'étoient trou,
vez, auxquels on avoit tranché la
tête. Le bruit courut enfuite,mais
fans aucune certitude, quelaCoui
de Perfe avoit ordonné derenvoye:
cette Amhafadrice. On en parlera
plus an:\plement dans la fuite,
11 méprit envie,enceteras-là,de
ijî'entretenir avec quelques prêtres
des Guebres. L'Agent d'Angleterre:
homme de mérité 6c d'érudition,
iiyoit \Q. Hollaridois y 6c qui.étoit
fort de mes amis, me procura
cette Tatisfaition. 11 fie venir un de
ces prêtres avec un interprete, qui
lui fervoit de fecretaire -y & nous entrames
en matiere enfemble.
Je lui demandai d'abord ce qu'il
- croïoit de la création du monde, 6c
de la toute puiiTance de Dieuj à
quoi il répondit, qu'il croyoit que
Dieu étoit l'être desêtrèsjunefprit
e. de lumiere,audeirus de la comprehenfion
de l'efprit humain 3 qu'il
étoit immenfe 6c prefent en tous
iieuxjtoùt puifi'ant 6c de toute éternité,
6c qu'il feroit éternellement,
que rien ne lui étoit caché £c nefe
pouvoit faire contre fa volonté. Ils
ilivent auffi par tradition que quelques
Anges fe font rebellez contre
Dieu, 8c lui ont vouUifaire la guerres
q u ' u n d e c e s n o m m é Ablies
avant fa chute, 6c enfuite
loen, ou démon,fut précipité dans
miediehem: mais il ne me
put dire fi c'étôient dés années, des
mois, des femaines ou des jours> il
fuppofoit cependant que ce pourroienc
bien être des jours, il ajouta,
qu'après que Dicù eut créé le
monde, il créa auiji l'homme, 6c
le nomma Babba-Admn
tous les hommes font appeliez Adam
, particulièrement parmi les
Perfans 6c les Turcs: que cet Adam
fut formé des 4. Elemens, le feu,
-l'air, l'eau 6c la terre : que Dieii
créa enfuite fon ame,qu'ils croient
être un vent: que Dieu tira, aprèâ
cela, du côté gauche d'Adam, quelque
partie de fon corps ,6c une partie
de fon ame, dont il forma une
femnie, à l'image 6c. reflemblance
d'Adam : que dans la fuite dù tems
quelqu'un, dont ils ignorent le nom,
prefenta à Adam , une efpece de
froment de la groiTeur d'un melon,
dont il mangea, 6c qu'à caufe de
cela Dieu le chaifadu lieu.oîiiira".
voit placé. Il me dit de plus, que
lors qn'Àdam fut créé il avoit les
yeux au dcffus de la tête, 6c qu'ils
ne lui defcendirent fous le front
qu'après qu'il eut mangé de ce fruity
d'où il paroit qu'ils croient qu'il
avoit la vue tournée vers le ciel avanf"
la chute, 6c puis vers la terre.
Il ajouta que s'étant enfuite prefenté
devant Dieu, le Seigneur lui demanda,
ce qu'il avoit envifagéau commencement,
à quoi il répondit ,
qu'il avoit envifagé fon créateur^
, 6c que Dieu lui aiant encore demandé
ce qu'il voioit alors, il repon-
• dit qu'il fe voyoit lui-même dans
I un état déplorable. Il médit,qu'il
î ignoroit comment Adam 6c fa femmes'étoient
comportez depuis^ mais
qu'il favoit bien qu'ils avoientmultiplié
leur efpecej 6ç peuplé la terre
:qu'ilavoit paru, long-tems après
cela, un Prophete qu'ils nomment
• Zaer-Jïos , 6c que les Perfes prennent
I encore aujourd'hui pour Abraham.
le Doefagy ou l'enfer", qu'ils fuppo-| Que ce Prophete avoit recommanfent
dans le centre de la terre. Ils I de aux hommes de faire le bien 6c
difent que Dieu créa le Monde en | d'cviter le mal : que les hommes
T o M. II. ' Ddd J en