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C O R N E I L L E LE B R U N . ifi
, 0 - 11 fe trouve parmi les marchands
3 ' s i t . étrangers, qui demeurent i c i , un
Indiens, ^ f f ^ ^ tj^n nombre à'Indiens de plu-
' fleurs fortes , qu'on y nomme Benjans.
Les principaux d'entr'eux poffedent
de grands biens , & ne laiffent
pas de travailler comme des efclaves
pour accumuler des richeffes
immenfes , fans avoir aucun égard
à leur honneur, ni à la bien-feance,
jufques-là , que les plus riches ne
font aucune difficulté de courir de
tous côtés pour gagner un miferable
fol. Il s'en trouve parmi eux. Se
des plus confiderables, qui font
courtiers , & qui fervent en cette
qualité les Compagnies A ^ i o í / t í Se-
Hollanàoifes des Indes , dont ils tâchent
de gagner les bonnes graces
par toutes fortes de voies, pour
jouir de leur proteition & faire du
profit. Au refte , on fe fie fort à
eux, & ils ont prefque toujours ent
r e les mains la caiffe de ces deux
Compagnies. On ne fe fie pas moins
aux Arminiens, qui ont aufll toujours
une efpece de banque en poffeffion,
parce que l'argent y eft en
fureté, & qu'on l'en retire quand on
veut, Se en telle efpece qu'on le fouhaite.
Tout le negoce de Gamron
paflé.Je même par leurs mains par
lettres de change. Lors que j e paffai
à Sumachi les Benjans, qui y demeurent,
me firent demander par des
Arméniens , fi je n'avois point de
lettres à faite tenir à notre Directeur
à Ijfohcm , & fi j'avois befoin
d'argent, offrant de m'en prêter avee
plaifir en ce cas. J e fusfurpris
de cette civilité envers un étranger,
qu'ils ne connoiflbient pas, & qui
ne leur étoit même pas recommandé
: mais on me dit que cela ne fe
a£tion meritoireens'oppofantàleur 1704.
deftruition. J'ai même obfervé 3. Sept,
qu'ils s'éloignoientdemoiavecchagrin
fait que dans la vue d'obliger les
officiers de la Compagnie des Indes
Orientales, & pour s'infinuer dans
leurs bonnes graces.
Comme plufieiirs Auteurs ont
parlé avant moi de la croyance de
ces gens-là, & du culte qu'ils rendent
aux Idoles, je me contenterai
d'ajouter qu'ils s'abftiennent de toucher
à la vie de toutes fortes d'animaux
, fans en excepter les poux &
les puces, & qu'ils croient faire une
, lors qu'ils me voioient occupé
à prendre de certains infeftes
dans un jardin , n'ignorant pas à
quoi je les deftinois.
Les Turcs & les Perfes, &mêmc
les Arméniens , ne voudroient pas
non plus tuer un poux ou une puce,
& f e contentent de les j e t t e r p ar
terre, comme je l'ai obfervé plufieurs
fois. 11 y a auffi des Armemens
qui s'abftiennent de manger de
certains animaux , & fur tout des
lievres , parce qu'ils font immondes
; mais ils ne font pas tous fi fuperftitieux.
Comme l'habillement des Benjans Habits
a quelque chofe de fingulier ; j'ai ?"j®™'
delTiné celui du principal de nos
courtiers Indiens , qui voulut bien
fe donner la peine de s'habiller à la
maniéré de fon pais pour cela. On
en trouvera la reprefentation au
num. 109. Ils n'ont aucun égard à
la couleur de leurs habits, mais leur
turban eft ordinairement blanc , 6c
ils y attachent de petites bandelettes
rouges qui leur tombent fur le
f r o n t , & defcendent jufques au nez.
Elles font faites de bois de fantal,
& leur fervent d'ornement comme
les mouches aux dames parmi nous.
Ils ont prefque tous le teint jaune,
&: la taille belle. A leurs heures de
loifir, ils fe divertiffent & fe regalent
les uns les autres, de f r u i t s , de
confitures & d'autres delicateffes,
& y invitent même fouvent les
Chrétiens de leur connoifiance. Ils
font auffi venir des danfeufes & des
joueurs de gobelets pour divertir la
compagnie.
Le dix-htiitHme de ce mois, il
vint quelques coureurs de Gamronf
qui nous apprirent qu'il n'y étoit
pas encore arrivé de vaiffeaux de
Batavia. Cette nouvelle empêcha
notre Direfteur de partir pour s'y
rendre, comme il l'avoit refolu;
mais il y envoya i . o u é . j o u r s a p r ès
Mr. Bakker fon fécond. Je commençai
auffi à me preparer au depart
, & après avoir rendu & reçu
quelques vifites des Anghis, j'allai
l i î pren