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154. V o Y A G È s
169Í
I. Janv.
Leuïs
traîneaux.
Ils ont cependant des chefs parmi
eux, auxquels ils payent de certains
droits, que ceux-ci envoyent
enfuite aux Gouverneurs des places,
qui font fous la domination de fa
Majeilé Czarienne. Une perfonne
qui avoit fait quelque fejour à
Pûjioi-Ofer apprit à ce Minillre la
maniéré dont ils fe fervent de leurs
traineaux tirez par des rennes y qui
traverfent avec une rapidité furprenante
les montagnes couvertes de
neige. En voici la 'reprefentatiori 169?.
Se celle des Samoiedes^ qui lescon-i. Janv:
duifent, couverts de peaux de reri^
neSi le poil en dehors , l'arc & le
carquois fur l'épaule. Leurs chefs
en ont de femblables tirez les uns
par iîx , les autres par huit rennes
^ ont des robes d'écarlate. La
pointe de leurs fléchés eft faite de
dent ou de corne de Rarwd , au
lieu de fer ou d'acier.
A l'égard de leurs perfonnes j on
Leurs
perfonnèt.
peut dire quails foilt hideiix \ 6c
qu'il n'y a rien de plus dégoûtant
fur la terre. Leur taille eft petite &
groiTierej ils ont les épaules Ôr le
vifage large, le nez plat, les levres
pendantes ôc la bouche large, avec
des yeux de Luxes. Ils font fort
bafanez & ont beaucoup de cheveux,
qui leur pendent fur les épaules,
les uns roux,les autres blonds,
& la plupart noirs 5 mais ils ont peu
de barbe, & la peau fort épaiiïe:
Au reiîe ils font très-agiles à la courfe.
Les rennes dont ils fe fervent devant
leurs traineaux, reiTemblent affez
à des cerfs, & ont le bois fembla*
ble au leur. Se le col comme les dromadaires
5 mais ce qu'ils ont de plus
fingulier eft, qu'ils font blancs en
hyver,êc gris en été. Leur nourriture
la plus ordinaire eftunemouffe
3 qui croît fur la terre dans les
bois.
Au refte ces Samoiedes font veri- "s font
tablemerit Payens, & adorent 3 foir
Ôc matin, le foleil ¿c la lune, par
une
D E C O R N E I L L E L E B R U N.
169?. une petite inclination du corps, à
f. Janv. la maniere des Ftrfes. Ils ont auffi
des Idolesj pendues à des arbres,
auprès de leurs cabanes ; les unes de
bois, & de figure humaine;les autres
revótues de fer, auxquelles ils
rendent de certains honneurs. Leurs
cabanes font couvertes d'écorces de
bouleau, couiuës enfemble. Lors
qu'ils les tranfportent d'un lieu à
l'autre, comme ils font fouvent, en
hy ver & en été, ils en fixent premièrement
les pieux íes uns contre les
Qilant au détroit de IVeygats, ¡^¿^^^
dont les Anglais^ les Danois & les i. janv.
Hcllmdois nous ont donné pluficurs™™'
relations, après avoir tâché plu-g',s. "
fieurs fois d'en paffer le canal glacé,
ce qu'on n'a encore pii faire
qu'une fois ou deux, à caufe de la
violence 'des "glaces qui fe trouvent
dans la mer glaciale & dans celle
du fud , perfonne n'en a parlé fi
amplement & avec tant de jugement
que Monfieur IViiferii Bourguemaitiy
xVAmfierdam. Auili n'a-
, & puis les couvrent d'écor- 1 t-il épargné aucune peine pour en
' aquerir une connoiflance parfaite,
aiant confulté pour cela plufieurs
perfonnes qui ont été fur les lieux.
Cela paroit par la belle carte qu'il
a donnée de ce détroit, & de fes
côtes jufques à ï'Obj, par laquelle
il ell: évident, que cette mer n'eit
nullement navigable, de ce détroit
jufques au cap glacé, quand même
un fécond Chrijiojîe Colomb l'entrcprendroit,
vû qu'il eil impofilble
de pénétrer les montagnes déglacé
qui s'y rencontrent, nonobftant que
les aftres faiTent connoitre la route
qu'on doit fuivre." Le divin auteur
de la nature a tellement environné
& fortifié les côtés: de ViSybhie de
glace, qu'il n'y "a point de vaiiTeau,
qui puiife parvenir jufqu'à la riviere
de 'Jmifui, bien loin d'aller jufqu'au
c-x-Çi glâcé ^ pour lé rendre par
là à Jeifo ou au Jafon.
Moniieur /jiraKii apprit de quelques
Rufjitns^ qui avoient fouvent
paiTé le détroit de IVq'gats jufques
à l'embouchure de VÙbj, dans de
certaines barques , pour prendre des
chiens marins & du Nurwal, que
lors que le vent vient de la mer,
toute cette côte eil: tellement remplie
de glace, que ceux qui s'y trouvent
font obligez de fe retirer dans
de petits golfes, ou de petites rivieres
, fans s'y engager trop avant,
& d'y refter jufquesàcequ'ùnvent
de terre repouflecetteglaceenmcr,
ce qu'il fait de manière qu'il n'en
paroit pas les moindres traces dans
ce détroit à ia diftancedeplufieurs
lieues: Qti'alors ils fe reniettenten
mer, avec toute la diligence pollible,
fiins s'éloigner des côtes, jufqu'.
à
ce d'arbre, laiflant une ouverture
par enhaut, pour en faire fortir la
fumée. Ils ont leur foyer au milieu
de cette cabane , & fe couchent
nuds autour du feu pendant la nuit,
hommes.8i femmes, & mettentleurs
enfans dans des coffres ou des berceaux,
faits pareillement d'écoree
d'arbres, & remplis de raclures de
bois, auffi moles que du duvet,&
les couvrent de peaux de rennes.
Lj„,s Ils- fe marient fans avoir aucun
mariages, égard à la proximité du fang, &
aehettent leurs femmes pour des
rennes ou des peletteries. lUeureft
même permis d'en avoir autant qu'ils
en peuvent entretenir. Lors qu'ils
fe divertiifent en compagnie,ils fe
placent deux à deux les uns devant
les autres, Si" en faifant de certains
mouvemens des jambes, ils fe donnent
de grands coups de main contre
la plante des pieds. Ils hurlent
comme des ours, & hannilTent comme
des chevaux au lieu de chanter.
Ils ont auffi des magiciens , qui
font toutes fortes de diableries, ou
pliitôt de fourberies : mais c'eft affez
parler des Samoiedes.
Tous les quadrupedes qu'on trouve
fur cette côte, jnfqu'au détroit
de Wejgttts & à Mejèem , lavoir
loups, ours , renards , rennes &c.
font blancs comme de la neige en
Froid é. hyyer. Il en eft de même de quel-
Hb'i™" l"-"^®' oifeitux, comme les canards,
les perdrix & quelques autres. Au
refte le froid y eft fi violent que les
pies & les corneilles y gelent en
volant, & tombent mortes à vos
pieds, chofe que ce Miniftre affirme
avoir vûë de fes propres yeux.