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î / o i .
n. Mai
Maniere
des Ruf
liens.
Et de
coiidi
V O Y A G E S
tant quelques curieux parmi les plus
conlîderables, qui en ont de femblables,
& qui tâchent d 'y cultiver
des fleurs.
Leurs manières font affez extraordinaires.
Lors qu'ils fe rendent vi-
Trte & qu'ils entrent dans une chambre,
ils ne difent m o t , & cherchent
des yeux quelque tableau de faint,
dont leurs appartemens font toujours
pourvus. Ils lui font trois
grandes reverences , & puis plulieurs
lignes de croix en prononçant
. ces paroles, Go/podiPomilm, c'eftà
dire Seigneur^ aye fitte de moi-, ou
bien Mur efdomZjeiewoefonon, qui
veut dire, la Paix /bit en cette maifon,
& parmi les •vivati! qui Vhabitmt,
faifant encore des fignes de
croix. Enfuite ils faluent les gens
de lamaifonfcleurparlent. Ilsfont
de même chez les étrangers, s'adreffiint
au premier tableau qui s'offre
à leur vue, de crainte de manquer
de rendre à Dieu les premiers
honneurs, qui lui font dûs. Leur
plus grand divertiffement eft la chaff
e à l'oifeau, avec des faucons, &
à courre un lievre avec des levriers.
I l s ont de bons reglemens à cet égard,
le nombre des chiens qu'un
chacun peut avoir étant fixé felon
fon rang. Hors cela,ils ont peu de
divertilfemens particuliers. Les inftruniens
de mulique les plusenufage
font, la harpe, les timbales, la
corneniufe, & le cor de chafle. Ils
prennent beaucoup de plaifir à fe
trouver parmi desinfenfés, desperfonnes
difformes & des ivrognes,
lors qu'ils le font à l'excès. Quand
ils régalent leurs amis, ils fe mettent
à table à dix heures du matin,
& fe feparent á une heure après mi:
d i , pour aller dormir chez eux,
tant en hyver qu'en été. Leur mad'i
niere d'écrire eft fort finguliere:
Ils prennent le papier de la main
gauche, le pofent fur leurs genoux,
& écrivent ainfi. II y en a pourtant,
qui commencent à écrire comme
nous, & particulièrement dans leurs
Chancelleries. Leur maniere de
^^ coudre diffère aufll de la nôtre: Ils
mettent leurdéfurlepremierdoio-t
pour tirer l'aiguille & le fil vers l y o j'
EUX, chofe diredement oppofee i J u Z
la notre. Ils le font auffi des pieds,
qu'ils ont ordinairement nuds. &
favent tenir, entre les deux premiers
doigts, l'étofequ'ilscoufent, auffi
bien qu'on le fait parmi nous fous
le genoux ou en l'attachant. Je leur
ai pourtant vû faire autrement
J'allai au commencement d e j u i l - Hermiw
let avec un de mes amis .à Probrofensko,
voir trois hermites, prifonniers
depuis 4. ou ç. jours. Ik avoient
demeuré aux environs d'Afoph
, fur une petite riviere, qui
j a fe decharger dans IzBannbe. Te
tusfurpris, de leur maniéré & de
leur habillement. Le plus ancien
avoit environ 70. ans, & les deux autres
paroiffoient en avoir plus de 5 o.
Le premier avoit demeuré 40, ans
en ce lieu-là, dans le creux d'un
rocher, où il avoit été pris une fois
par les rartares & vendu aux r « m ,
d entre les mains defquels s'étant
lauve peu après, il étoit retourné
a Ion hermitage , où il avoit toujours
demeuré depuis. Ils étoient
accufez, à ce qu'on difoit, de s'être
éloignez de la foi RuJJienne, mais
Us s endéfendoientj&fouhaitoient
qu on les fit examiner , déclarant
qu'ils étoient prêts à fe foumettre
aux plus grandes peines pour la gloi-
J'fi'^-Chnft, quoi qu'ils ne
luiient nilireniécrire. Ils n'étoient
vêtus que d'une robe de bure. les
cheveux leur pendoient jufques au
miheu du dos, comme des fauvages,
&: fans être peignez , & leur
couvroient le vifage , de manière
qu on ne pouvoit le voir fans les en
éloigner de la main. Ilsavoientfur
1 eftomac une grande croix de fer,
qui pefoit bien quatre livres, attachées
à deux bandes de même, qui
leur paffoient par deffus les épaules
& tomboient fur le dos,étantacrochée
à une autrefemblable, qui leur
fervoit de ceinture & étoit jointe
par devant au bas de cette croix,
fur l'eftomac. Les deux derniers avoient
une fi grande veneration pour
ce vieillard, qu'ils le foutenoient
par deffous les bras, toutes les fois
D E C O R N E I L L E LE
1702. lors que nous approchâmes de lui.
11. Mai, Ils devoient relier dans cette prifon
jufqu'au retour de fa Majefté Czarienne.
On les avoit laiifez enfeinble,
fans les mettre aux fers, dans
un lieu qui n'étoit pas couvert, affis
fur quelques nattes dans un coin,
à quelque diilance les uns des autres.
Les prifonniers, qui étoient au
même endroit avoient la plupart ,les
fers aux piedSjS; leurs chaînes étoient
fi courtes qu'ils avoient de la peine
à fe remuer. Ils avoient outre cela
chacun un garde en dedans, outre
ceux de dehors, pourlesempêcher
de s'evader. Cette prifon faite de
poutres, étoit affez élevée, petite,
quarrée, & ouverte par en hautj
mais il y avoit quelques endroits
couverts en dedans. La curiofité
m'aiant porté à voir ces hermites
une feconde fois , j'appris qu'on
les avoit fait tranfporter dans une
maifon voifine, & qu'ils y devoient
demeiuer jufques à nouvel ordre.
Vidoife On reçut, vers la fin de ce mois,
té^fur les ^^ nouvelle d'une autre vi£toire,
Suédois, remportée fur les Suédois par les
Troupes de fa Majefté. L'Imperatrice
m'envoya quérir peu après,
& m'ordonna de peindre, une feconde
fois, les jeunes Princeffes en
grand, & habillées comme la premiere.
J'aurois bien voulu m'en difpenfer,
& la fuppliai très-humblement
de m'excuîer , fous prétexte
qu'il falloir que je pourfuiviffe mon
voyage : Mais comme je trouvai que
b r u n . 39
cela lui déplaifoit, je réfolus, pour 1702
plufieurs raifons,de la fatisfaire & me n. Mai.
mis à travailler fans perdre de tems.
Le cinquième de Juin, la plupart fécondé'
des marchands, qui étoient reftez
à Mofcou en partirent pour fe ren- fe™" '
dre à Archangel. Nous les conduifimes
comme les autres, félon la coutume,
à 10. werjies de cette capitale
, jufques à un village fitué fur la
Toufe, où l'on fit tendre quelques
tentes pour y refter quelque tems
en compagnie de plufieurs dames.
Enfuite , après avoir bit au bon
voyage de nos amis, nous retournâmes
à la ville comme nous étions
venus.
Q_uelques jours après, me promenant
dans le jardin derriere notre
maifon, le fufil à la main, comme
je faifois affez fouvent , pour
me divertir en tirant des becaflines
& des canards dans le vivier, ou fur
la riviere de Toufe, j'apperçus une
grue en l'air, au deffus de ma tête.
Je mis auffi tôt une balledansmon H.
f u f i l , ces oifeaux-là ne fe pouvant
guere tuer avec des dragées, & j'eus
le bonheur de l'atteindre & delà faire
tomber dans le vivier. Cela étoit
affez extraordinaire , parce qu'on
voit peu de ces oifeaux-là en ce
païs-ci. Il y a pourtant desperfonnes
qui en ont à la campagne pour
leur plaifir , mais ils les font venir
d'ailleurs. Jelafis,rotir,&trouvai
qu'elle avoit le goût marécageux.
nge U-.
Stuc.
C h a p i t r e IX.
Defcription de Mofcou. Nomhre des Eglifes & des Monajïeres de
cette ville, avec plufieurs autres partictilarite&.
dont ils fe fe^ênr ° ' par aeiious les bras, toutes lesfois
aont Ils ie fervent avec le pouce, qu'il vouloit fe lever, comme ilfit
lors
IL eft teras de parler un peu plus
particulièrement des Etats de fa
Majefté Czarienne, qui m'a fait la
grace de me permettre de fa propre
bouche, d'écrire en toute libert
é , ce'que je jugerois qui méritoit
de l'être i fans m'éloigner de la vérité.
Je commencerai par la ville de
Mofcou , que j'ai deflinée du haut
d'un des Palais de ce Prince, nommé
JVorobjowa , bâtiment de bois
d'une grande étendue à deux étages.
Il contient en bas 124 chambres
, & autant en haut , à ce que
je croi i 6f eft entouré d'une murail
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