DE C O R N E I L
L E LE B R U N. 199
fousleregnedefquelsce pillieraété j^o^'
planté. On ne manquoit pas d'a-i. mïl
voir conftamment un tournoi en ce
tems-là, le jour de la fête deiVi»«-
roes, ou de la nouvelle année folaire i
folemnité obfervée par les anciens
i<.ois de Perfe, Se mêmedutemsde
Damis, felon les annales de ce païslà.
plus grands ornemens à.\x Mey-àotn,
I. Mil." ou de la grande place. La porce
d'Jti-Kapte n'eft qu'à 266. pas de
cette dernière mofquée, & toute cette
place eft entourée debâtimensélevés
, avec des portiques remplis
de boutiques, d'artiians. Ceux
qui font au iervice de fa Majefté
demeurent du côté de la Cour. Outre
ccia , la plus grande partie de
cette place eft remplie de tentes, où
l'on vend toutes fortes de chofes >
mais on embale tout le foir , & on
y place des gardes, qui font la ronde
toute la nuit avec des chiens. La
plupart des bâtimens y font entourez
d'ormes, & on y voit continuellement
un concours prodigieux de
monde -, &: entr'autres un grand nombre
de perfonnes de qualité qui vont
Bouffons &:qui viennent de la Cour. Il s'y
trouve auiU des troupes de bouffons
de charlatans, qui n'ont cependant
point de drogues, & qui ne font
qu'amufer les paiTans par des con.
tes en l'air; on ne laiiTe pas de leur
donner quelque chofe. Il y en a qui
ontdesfinges, auxquels ils font faire
mille fuigeries qui attirent le peuple,
car il n'y a point de nation au
monde, qui aime plus la bagatelle
que les Perfes: aullî, les caffés, &
les bazars, font remplis de ces bouf-
Tournoi. fons-là. Il y a au milieu de cette
place un grand pillier, quifertaux
carroufels, & fur lequel on place le
prix, qui confifte ordinairement en
une coupe d'or, ou chofe pareille.
Ceuxquiledifputent paiTentàcôté
au grand gallop. Se puis fe tournant
tout à coup lancent leur dard, &
s'arrêtent à l'inftant. Mais cela n'eft
permis qu'aux plus grands Seigneurs,
& aux gens d'épée. Celui
qui remporte le prix s'en faifit Se le
met fur fa tête en figne deviftoire.
Le Roi lui fait auflî un prefent,
plus ou moins confiderablc , felon
la confîderation qu'il a pour lui.
C'eft ordinairement un carquois
d'or rempli de fléchés. Ces exercices
là nefont cependant plus guère
en vogue, depuisleregneduRoi
d'à prefent , dont les inclinations
tendent d'un autre côté, & different
fort de celles de fes predecelTeurs,
On faifoit enlever pour cela
toutes les tentes de la place, & on
en labouroit la terre avec des boeufs
20. jours auparavant. Le Roi fe
plaçoit fur ime efpece de galerie
ou de theatre , nommé Talael^ fur
la porte d'ÂH-Kapie , qui eft fort
élevée, & d'une belle architeÛure.
Les courfes étant finies, il s'yrendoit
des lutteurs , &: des danfeurs
de corde > & on y voioit des combats
de taureaux & de beliers. Il
s'y trouvoit auftl des joueurs de gobelets,
que le Roi d'aujourd'hui n'y
veut plus admettre , parce que les
directeurs de fa conlcience lui ont
dit, que c'étoit une chofe contraire
aux bonnes moeurs 6c à fa religion
: on n'y fouffre plus auilî les
danfeufes , 6c les femmes de méchante
vie,qui y abondoientautrefois
de tous côtés.
On trouvera la reprefentation du Defcrip-
Mey-doen, ou de la grande place,
au num. 75. Cette premiere vue docn.
en a été prife du côtédelamaifon,
où fe tient la mufique du Roi. La
lettre A. y reprefente le Talael ou
le theatre , qui eft . fur la porte
d'Jh-Kapie. B. La Mofquée Royale.
C. Celle de Sjig-loîf-olla , D.
'Le Wagîis-fai-aet, ou le pavillon
des machines. Les tentes y font
aufli reprefentées, avec le pillier
des courfes. La fécondé vue reprefentée
au num. 76. aétéprife àl'eft
proche de la Mofquée Royale. La
lettre A. y marque le Talael Alu
Kape. B. la Mofquée Sjig-lotf-oîla.
C. le Pavillon des machines. D. la
maifon des Inftrumens deMufique.
E. Derre Harram, ou la porte du
Serrail,dont on ne voit pas grand*
chofe. Le pilier y eft au milieu de
la place. Le long du portique du
Palais regne une balluftrade de bois
peint, de chaque côté , laquelle
enferme 119. pieces de petits canons
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