V O Y A G E S
1 6 9 2 .™ i^^™® P^'" > laifférent ap-
Avril, procher J cro'ianc que c'ecoient de
Icins voilms & de leurs amis, qui venoient
des villages d'alentour pour
l e divertir : que ces Pirates mirent
le feu à la partie méridionale de la
v i l l c j maiTacrérent del'autrecot
é j tous les habitans qu'ils rencontrèrent
: qu'ils allèrent enfiiite chez
les ^ra-'odes, où ils commirent toutes
fortes d ' h o f t i l i t e z , & maltraitèrent
au dernier point leurs domeftiques
; ëc puis s'en retournèrent charges
de butin fans aucune oppoiirion;
qu'on apprit enfin, que c'étoient
des vaû'aux de quelques Seigneurs
, à l'obeilTance defquels ils
s'écoient fouftraits , pour commettre
toutes fortes de brigandages; &
qu'on en avoit pris quelques-uns,
qu'on avoit fait executer pour fervir
d'exemple aux autres. Cela l'obligea
à fe pourvoir d'armes , & à
f e tenir fur fes gardes.
Il en partit le vingt-trotfiime AZTÎl
, que la Kama fe trouva navigable
, & arriva heui-eufement le
Solikims- •vmgt-fepUeme à Solikamskoi. Il au.
koi. roi t dû paiTer delà par les monta-
%ats iti [Veriotur i mais comme ce
la eft impolîible en été à caufe des
marais, dont le pais eft r e m p l i , il
faut que les voyageurs & les marchands
paifent l'été en cette v i l l e,
en attendant l'hyver & les gelées
pour traverfer ces montagnes. A la
v é r i t é , on peut en faire l e t o u r p ar
eau à l'occident ; mais cela eft abfolument
défendu. Cependant comme
le Gouverneur de cette ville
n'ignoroit pas que les affaires, dont
ce Miniftre étoit chargé, n'admettoient
aucun d é l a i , il lui fit donner
les barques dont il avoit befoin pour
Defcrip- cela & pour naviger commodétion
ae ^ , ^ „ ^ °
Solikams-ment fur la Sufawaya.
fts'^f^ eft une très belle vill
e , grande fc riche, o ù l ' o n t r o u v e iSai,
im grand nombre de marchands con-17. Avia.
fiderablesj de très-belles f a l i n c s ,&
plus de 50. chaudières de 25. à 35.
aunes de profondeur. Il s 'y fait une
très-grande quantité de ièl , qu'on
tranfporte tous les ans de tous cô^
tés , fur de grands bàtimcns conftruits
pour ce fervice ; fur chacun
defquels on charge jufques à 120.
mille livres de ce f c l ; c'cft^à-direj
800. à 1000. l e f t s , fins compter/,
à 800. travailleurs pour la commodité
defquels ils ont des cuifmesj
des fourneaux, & les autres chofes
neceflaires pour le tranfport. Ces
bâtimens-là, qui ont 35. à 40. aunes
de l o n g , n'ont qu'un feul mât
& une voile , qui a 30. braiTes de
l o n g , dont ils fe fervent en remon- i
tant la riviere, lors que le vent eft
jbon.- Au lieu qu'en la defcendant,
ils ne fe fervent que de rames,afin
de tenir le vaifl'eau en équilibre, le
• gouvernail n'étant pas aifez fort
pour le faire feul. Ilsfontplatspardeifous
, & n'ont ni fei'S ni d o u x ;
& c'eft ainil qu'on defcend la Ka^
ma pour fe rendre dans le Ifolga.
Enfuite ils remontent ce fleuve , à
force de cordages ou de voiles, lors
que le vent eft favorable , & vont
débiter leur fel à Cafan , à Nifna,
& en d'autres lieux fitués fur cette
riviere.
Le quatorzième Mai il s'embarqua n s'cmà
Solikamskoi, & après avoir traver-f^'I^Ka-'
fé la petite riviere dVfolkat, à unema&patdemi
lieuè de cette v i l l e , il rentra
dans la Kama, & pailii fur ce fleii-Aiie.
ve âCEurope en AJie. Le jour de la
Pentecôte il alla à terre , & monta
fur une belle montagne, affez élevée
, oil il fit fon dernier repas
en Europe , & puis retourna dans
fa barque potir continuer fon voyage
C H AD
E C O R N E I L L E L E B R U N .
16.92.
U.Mai,
103
1692.
»S. Mai;
Son arrivt'e
en.
ASe.
Detcription
du
pais des
Tartares
de Sybc-
Lenr religion
8c
nieve de
vivre.
C h a p i t r e XVIII,
Son arrivée en Aiie.. Defcriptton ài pais ffa Tartares i/^Syberie;
leur Religion & leur ?nmnere de vivre.
CE Miniftre étant arrivé en Afie
5 fur la SuzaisJaia , ne la
trouva pas fi agreable quela/i^oea,
qui eft une très-belle r i v i e r e , remp
l i e de toute forte de poiifon'; &
dont les rives font ornées de beaux
& de grands villages bien peuplés ;
de belles falines , de terres labourées,
de boccages, de grandes prairies
, émaillées de toutes fortes de
fleurs i & de tout ce qui peut plaire
à la vue, depuis Solikamskoi- jufques
ici. Ce n'eft pas que le pais
qii'arrofe la Suzawaia , qui tombe_
à l'oueft dans la Kama, ne f o i t aiiff
i très-beau & très-bon , mais on
s'ennuie en la remontant , parce
qu'on n'avance guère , &c fur tout
quand les eaux en font enflées j &
q u ' i l faut fe fervir de la ligne. Il
arriva le vingt-cinquième Mai dans
le pais des. premiers Tartares de Syberie,
nommés Wogulski-^ lequel eft:
audi affez peuplé le long de cëtte
riviere , & d'une beauté charmante.
On y trouve à l ' e n t r é e & j j a
fortie des montagnes, toutes forcés
de belles fleurs & d'herbes odori".
ferantes ; & une quantité prodigieufe
de bêtes fauves, & t p u t e f o r -
t e de gibier. Comme les Tartares
de Wogal, qu'on trouve fur cette
riviere font Payens, il eut la curiofité
d'aller à terre pour s'entretenir
avec e u x , fur leur croyance &
leur maniere de vivre. ..wî
Ils font robuftes & ont la t é f e a f f ez
groife. .. L e u r religion' ne confifte
qu'.à faire une'fois l'année des offrandes.
Ils fe rendent pour cela
dans les bois d'alentour, & y immolent
un animal de châque efpece.
Leurs principales viftimes font
les chev.aux & des Boucs Tigrez.
I l s les ècorchent, les pendent à un
arbre, & puisfeprofternentdevant
eux 'j & c'eft-là leur unique culte.
E n f u i t e , ils en mangent la chair enfemble;
ils s'en retournent, &; nells.
prient plus tout le refte de l'année,
A quoi bon le faire davantage, dl- foi®
fent-ils ? Ils ne fauroient rendre la
moindre raifon de leur croiance, 8c
de leur culte. C'eft celui de leurs •
peres, ajoutent-ils, & cela leur fuffit.
I l leur demanda , s'ils n'avqient
aucune connoiffance de Dieu : S'ils
ne croioient pas qu'il y eut dans le
C i e l un E t r e f u p r é m e , Crcateur.de
toutes c h o f e s , qui gouverne Iç
monde par fa providence ; qui don-l
ne la pluie & le beau tems? Ilç
répondirent que cela pourroit bieá
être , puis que le foleil & la lune j
ces beaux luminaires qu'ils lionol
r e n t , &: les autres aftres étoient
placés dans le c i e l , & qu'il y avoit
une puiffance qui les gouvernoitl
.Mais ils ne voulûrent nullement
•convenir qu'il y eut un Diable, pari iisne rece
qu'il ne s'étoit jamais . manifefté
à eux. Ils ne nient p,as cependant de°Dul.°'
la r e f u r c t e i o n des moists, mais
fans favoir quel fera leur d e f t i n , ni
ce quei'deviendroht leurs corpsi
Lors que quelqu'un d'entr'eux vient Lemsem
a mou n r , on le met en tprre, cou^ •
^ terremens.
vert de, fes plus precieux ornemensj '
f o i t h c w m e o u f e m m ç , fans lui élei
ver un-tombeau, & ils mettent de
l'argent à côte^^de l u i , ^ projpor-
.tion des moypiîî , . . . ^ ' i t - a ' e u s pendant
fa v i e , afin qu'il ne f o i t point
dépourvu des chofes neceÏÏaires au
tems de la refurreftion. Ils crient
& font de grandes lamentations a u.
tour des corps des trepaffés, & un
homme ne fauroit fe remarier parmi
e u x , qu'au bout d'un an,après
la mort de fa femme. Lors qu'un celk det
chien m e u r t , dont ils ont tiré d u Client.
fer-