DE C O R N E I L L E LE B R U N.
V O Y A G E S
331
I
1Í
PI
! II!
Autre
maniere
de les
détruire
dans des
viviers.
mette, fie la romproit enuninftant
15. Dec. Ces filets fervent auHÎ à couvrir le
crochet.
On trouve de ces monftres-là
dans des étangs, dans l ' i l lc deCcilon,
& en d'autres parties des Indes.
Voici une autre maniéré de les détruire
, & même de les faire fervir
de fpeftacle au peuple. On prend
un boyau fort f e e , de 5. à 4. pieds
de long , qu'on remplit de chaux
v i v e , & qu'on attache à une poule
morte , que le crocodile ne manque
pas d'avaler auili-tôt qu'il l'apperçoit
dans l'eau : après l'avoir eu
dans le corps l'efpace de 24.heures,
le boyau fe défait & la chaux fe répand
de tous cotez , le brûle & le
confume , de forte qu'accablé du
feu dont il eft dévoré , il s'élance
hors de l'eau, Se meurt à l'inftant.
On peut juger de la force de ces
crocodiles, par l'eifort qu'ils font
après qu'on les a pris avec un crochet,
& qu'on leur a ouvert le ventre
pour en tirer les inteftins, puis
qu'en cet état, ils fe relevent encore
, & font fouvent une courfe de
20. ou de 25. pas.
En parlant de ces monftres ,
on me d i t , qu'il y avoir 14. ans que
l'équipage d'un vaiifeau , nommé
, Gros k Roi de Bantam, prit un * Haai,
poilToade qui avoit 45. petits dans le ventre,
dcvoreleskfqucls en fortirent auffi-tôt qu'on
hommes, l'eut o u v e r t , & fe mirent à nager
dans une cuve d'eau qu'on avoit
Animaus préparée pour cela, & que le moincxtraor
dtc de ces poiffons étoit plus gros
dinaircs. merlan. On me fit prefent
de deux groffes bouteilles remplies
de plufieurs fortes d'animaux confervez
dans des efprits , parmi lefquels
il y avoit de petits crocodi-
Lctrr
force.
les, de jeunes lézards de mer, des ]
caméléons,des fcorpions,des*mille
170^
r- Dec.
pieds, un ierpenc aveugle,
plulîeurs autres animaux. " O n me
donna enfiùte quelques autres produitions
de la mer , qui n'ctoicnc
pas des plus confiderables. J'en allai
chercher moi-même avec peu de
fuccès fur le rivage, & j'en fis chercher
par plufieurs autres,quim'apportèrent
des chofes aflez inutiles,
& entr'autres un grand nombre de
pierres. Je choiiis ce que je trouvai
le plus à mon gré , & jettai le
refte , qu'on avoit recueilli fans
choix , n'aiant pû accompagner
170^
ij.Dcc. •
37OÎ.
-25, Dec.
C h a p i t r e LXIII.
Revenu que la Compagnie des Indes tire de tlk de C e i l o n . BefcYt[
iÚQn de la ville de Gale. Peuples convertis a la Religion
Chrétienne. Habillement des Síngales. Abondance iElephaiîs,
Arbre qui porte la canelle^
ceux
caufe
que j'emploiai pour cela,
de ma foibleiTe. O n ttrrouv' e Plantes
auilî dans cette lie des plantes &
des herbes medecinales, qui ont"^"'
beaucoup de vertu, à ce qu'on prétend,
mais il faut s'y connoître. Je
ne laiflai pas d'en envoyer chercher
dans les bois & particulièrement
une plante , nommée Hackemelle
, dont on rapporte des merveilles
j entr'autres que lors qu'on
envelopeun caillou dans une de fes
feuilles , on ne l'a pas plûtôt mis
dans la bouche que le caillou fe
brife en plufieurs piecesj & que le
fuc des mêmes feuilles eft unremede
fpecifique pour la gravelle : elles
reflemblent aifez à celles du céleri
, hors qu'elles font d'un verd
plus enfoncé. J'avois deifein d'éii
extraire quelques efprits, mais le
tems ne me le permettant p a s , il
fallut me contenter d'en emporter
des feuilles feches , avec les petits
boutons extérieurs dont on fe fert
comme de thé, 8c qui ont la faculté
de reduire la pierre & de dilÏÏper
la gravelle.
C H A .
QUoi qu'on m'offrît ici toutes
, les lumieres neceiTaires pour
faire une defcription circonftanciée
de l'Ile de Ceilon,Se fatisfairelacuriofité
des Lecteurs à cet égard, je
n'ai pas voulu m'en fervir, ma fanté,
6c le peu de tems que j'avois à y refter,
ne m'aiant pas permis d'avan-
cer aiTez dans le pajs, pour m'en
éclaircir par moi-même, & voir les
antiquitez qu'on d i t , qui s'y trouvent
Revenus
que ia
Compagnie
tire
de cette
lie.
Toile«.
} & ne voulant pas contreve
dent au fortir du metier fans être
blanchies , dont elle tire un profit
très-confiderable.
nir à la refolution que j'ai prife de
ne rien avancer que je n'aye vû de
mes propres yeux. Ainfi j e me con
tenterai de parler des principaux
revenus que la Compagnie tire de
cette l ie celebre.
Le plus confiderable eft celui qui
procede de la canelle, qui eft meilleure
Le quatrième procede de la vente
des élephans, qui fe tirent du pais Elephans.
de Colimbo êc de Maturan , auiTîbien
ici qu'en aucun autre lieu du
monde. Auilî-tôt que le Gouverneur
a ordonné le nombre de ballots
que la Compagnie en fouhaite, les
Chalins, qui du tems même des
Payens étoient obligez de peler cette
precieufe écorce pour le fouverain
de l'Ile , ne manquent pas de la
fournir pour très-peu de chofe.
Le fécond, eft celui qui procede
de l'Areek , commerce défendu à
tout le monde , fans la permiilîon
de la Compagnie, dont les fujets
font obligez d'en apporter les noix
dans leurs magazins à un. prix trèsmodique.
Elle en fait enfuite un
negoce t-|.ès-avantageux avec les
marchands du Coromandel qui fe
rendent ici pour cela. Outre que la
Compagnie envoye fouvent, ellemême,
ce f r u i t - l à à Bengale 6c à
Surate fur fes propres vaifleaux.
Le troifième eft celui qui procede
du debit des groifes toiles de Ma-
¿ure Se de Coromaîfdelf qui fe ven-
TOM. IL
que du Royaume de Jajfnapatriam,
où on les vend avec avantage
à ceux de Golconde & à d'autres
Maures.
Les élephans,qui fe prennentau
pais de Columba & de 'Maturati fe ces ani^,
tranfportoient autrefois avec beau-"^""*'
coup de peine fur les vaiiTeaux de
laCom'Çi^^mtiyaffnapatnam. Mais
on a trouvé , depuis quelques années
, le fecret de couper un chemin
de près de 50. lieues , au travers
d'un bois fort épais & fort fauvagc,
depuis Negomb , par le pais
de Kandéey jufques à celui de Jaf^-
napatnam. Cette entreprife d'une
difficulté inexprimable , s'eft executée
par les natifs du pais , & à
peu de frais.
La chafTe de ces élephans fe fait
auffi par les habitans du pais, fous
la dire£tion des officiers de la Compagnie.
Si j'avois eu l'avantage de
m'y trouver, je ne manquerois pas
d'en faire une relationparciculierej
mais comme je n'en ai jamais été
témoin occulaire , je me contenterai
de dire , que des perfonnes dignes
de foi m'ontafliiré,qu'on prenoit
fouvent dans une feule chaffe,
au pais de Colurnbo , jufques à '
160. de ces élephans, & même davantage.
On pourroit ajouter ici l'avanta-Pêchede
ge que la Compagnie tire de lapê-^"!«-
che des perles, qui fe f i i t dans cette
Ile , dans les pais qui en dépendent
, tant à Tutiicorin fur la
côte de Madure , que dans le Gol-
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