3« V O Y A G E S
1702.
II, Mai.
1702.
ti. Mil
D E C O R N E I L L E LE B R. U N.
le cuifine à la
dont ils régalent leurs a m i j , &
qui eft fort rafraichiflante. La
feuille de celles^i reflemble à celle
du buis, comme on le voit à la lettre
B. & eft auilî toâjours verte,
Prodic- ^y™"^ ^ ^^ ^"JT'^ produit nanons
de turellemeM des plantes & deslegu-
Ij tm. gQ abondance. Il y croît des
choux, qu'on nomme¿Ttf^«^,dont
ils font de grandes provilions. Se
que les pauvres mangent deux fois
par jour ; des concombres , nommés
Ongortfa, qu'ils mangent comme
des pommes & des poires, dont
ils font auiU un grandamas, qu'ils
gardent toute l'année, & qui font
eftimés parmi les plus coniiderables.
Ce païs-là produit de même
beaucoup d'ail, dont ils font grands
amateurs, &:qu'onfentde loin. Ils
le nomment Siafnok. Le raifort,
nommé Green, y eft fort commun,
&: ils en font debonnes fauces, pour
la chair & le poiffon. Les navets de
plufieurs fortes y abondent, auffibien
que les choux rouges , &• les
choux fleurs , que des étrangers y
ont apporter depuis Uii ceftairt
tems. On y trouve des afperges
& des artichaux, mais il n'y a
que les étrangers qui en mangent.
11 en eft de même de ceux , qui
croiflent fous terre. Nous leur avons
appris la culture des carottes,
des panais 8c des betteraves, qu'ils
ont préfcntement en abondance ; de
la fallade Se du felleri, qui leur étoient
inconnus, & qu'ils eftiment
aujourd'hui. Les environs de Mofcoa
produifent beaucoup defraifes,
& fur tout des petites. Les groifes
s'y mangent à la main. Il s'y trouw
ve auffi des framboifes, & quantité
de melons fort grands, mais trop a.
quatiques, qui reffemblent un peu
à nos concombres , Se qui produifent
peu de pépins.
Quant aux arbres fraitiers , ils Arbres
ont beaucoup de noifettes , Se peu Wm".
de grofles noix. Les pommes y
font bonnes, Se agréables à la vue,
tant aigres que douces , Se j 'y en
ai vû de fi tranfparentes , que
les pépins en paroilToient. Les poires
I f o 2. res n'y font pas fi bonnes ni fi abon-
11. Mai. dantes, outre qu'elles font petites.
Jardins
du pais.
Les prunes 6e les cerifes n'y valent
pas grand' cliofe non plus, à la referve
de celles qui fe trouvent dans
les jardins des Allemands, qui font
très-propres, remplis de bonnes grofeiUcs
, Se de plulîeurs fortes de
fleurs : mais ceux des RnJJÏens font
fauvages, fans art Se fans ornement.
Les fontaines Se les jets d'eau y font
inconnus, quoi qu'ils ayent de l'eau
abondamment, Se qu'il foit facile
d'y en faire à peu de frais. Cependant,
on commence à trouver quelque
changement en cela, Se à l'égard
des bâcimens, depuis que le Czar a
été dans nos Provinces. Le Knees,
Daniele Gregoritz Serkaskie a fait
faire un jardin à la Hollmdôife, proche
de fon village, nommé Sîetjove,
environ à 13 werjles de Mo/cou,
lequel eft aiTez grand , Se que j'ai
trouvé très-propre ; il eft vrai que ce
feigneur avoir amené pour cela un
jardinier de Hollande. Auflî, eft-ce
le jardin le mieux ordonné Se le plus
orné, qu'il y ait en ce païs-là. Au
refte on ne voit guère de chofes eurieufes
en Mofcovie. La plus grande
beautédes maifons de campagne,
Viviers confifte en leurs viviers, qui font adrcmpljs
mirables. On en trouve fouvent
fon!°'" deux ou trois autour de ces maifons;
grands Se bien remplis de poiffon,
dontilsfont grands amateurs. Lors
que leurs amis leur rendent vifite,
ils jettent d'abord les filets à l'eau,
en leur prefence , Se en tirent fouvent,
dequoi remplir vingt ou trente
plats, Se quelquefois davantage.
Je n'oublierai jamais une partie
de plaifir, que je fis en compagnie
de quelques demoifelles Hollandoifes,
avec lefquelles j'allai rendre vi.
fite à Mr. Sîf'efenof, homme riche,
qui demeuroit au village de Fackelaof
à 15. -jDerfl.es de Mofcou, où il
nous reçut avec beaucoup d'honnéteté.
Ce feigneur avoit une belle
femme , douce Se d'agreable humeur,
qui fit de fon côté tout ce
qui Uii fut poffible pour nous divertir.
Nous trouvâmes lamaifonbien
bâtie. Se remplie de beaux appartemens,
Il y avoit de plus, une bel-
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^ , d'ime
grande propreté, où nos demoifelles
apprêtèrent quelques plats de
poiffon à notre maniere, bien que
nous eûffions fait bonne provifion
de viande froide; outre une vingj
taine de plats de poiffon à la Riiffîenne
, qu'on nous fervit avec de
bonnes fauces. Après le repas, on
nous fit paffer dans une chambre ;
où il y avoit plufieurs cordes attachées
aux folives pour fe faire balancer
, paffe - tems fort ordin.aire
en ce païs-l.i. La maitreffe du
logis s'y fit balancer, à fon tour, par
deux demoifelles fuivantes affez jo^
lies. Elle prit même, en cette pofture,
un jeune enfant fur fes genoux,
Se fe mit à chanter, avec fes demoifelles,
très-agréablement, Sr avec
des maniérés charmantes ; nous
priant au refte del'excufetjSe nous
affurant qu'elle n'auroit pas manqué
de faire venir de la mufique, fi le
tems l'eût permis. Après que nous
lui en eûmes témoigné notre reconnoiffance
, elle nous conduifit au
vivier. Se y fit jetter les filets pour
nous charger de poiffon frais à notre
départ. Nous primes enfuite
congé de nos hôtes, Se remontâmes
en caroflfe très-iàtisfaits de leurs honnétetez.
J'apperçus à côté de ce village,
un arbre d'une groffeur extraordinaire,
qui étendoit fes branches à
une grande diftance, très-bien proportionné
Se dont la tige avoit trois
braffes Se demie de tour contre terre.
C'étoit un Peuplier blanc, que
les Rugiem nomment Afata.
La plupart des étrangers ont des
jardins derrière leurs maifons, ou à
la campagne,yans lefquels ils cultivent
avecfoin plufieurs fortesd'ar^
bres fruitiers, Se des fieurs, qu'ils
font venir de leur pais. Les couches
de ces jardins font bordées de
bois, au lieu de buis. Comme le
pais ne produit de foi-même guere
de fleurs, Se que celles qui croiffent
dans les bois font des plus médiocres,
on ne fiuroit faire plus de
plaifir aux Rujftens que de leur donner
des bouquets, quand ils viennent
dans nos jardins. Il y a pour-
E 3 tant
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21. Msii
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