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26 V O Y A G E S
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toit placée pour cela, avec plufieurs
• dames , dans une tour au bout de
cette place. 11 y en avoit une autre
des plus élevées du quartier, illumi.
née depuis le haut jufqu'en bas
les grandes tables, dont on a parlé,
brûlèrent chacune plus d'un quart
d'heure du feu qui en fortit. On entendit
en même tems le bruit de la
groiTe artillerie , qu'on avoit auHî
déchargée avant le repas. Lorsque
le feu d'artifice fut achevé , on
couvrit une fécondé fois les tables.
J e me retirai alors à la Slabode,
oii j'entendis encore tirer 90 coups
de canon à dix heures. Se plufieurs
autres enfuite. Ce que je trouvai
de plus extraordinaire, dans une occafioncomme
celle-là, & dans une
foule fembkble, fut qu'il n'arriva
aucun defordre , par le foin qu'on
avoit eu de placer des foldats & des
gardes de tous côtés, 11 n'y eut que
quelques oSicieisFrançois, quis'étant
querellez , mirent l'épée à la
main, & firent du bruit proche de
la loge de fa Majefté. Pour en empêcher
les fuites , on fit planter
quelques jours après, à la Slabode
Allemande, proche de l'églife Hollandoife
, un poteau , au bout duquel
on avoit attaché une hache & ordr
une épée , avec trois affiches ou goun
placards, l'un en langue RnJJienne,
l'autre en Latin, & le troifièmecn
Allemand, portant défenfe à un chacun
de tirer l'épée, ou de fe battre
en duel, fous peme de la vie.
1702
I.JMV.
1702
19. Jam
C H A P I T R E VI.
Exécution ngoureufe faite a Mofcou. NSces magnifiques d'un
favon de fa Majefté Czarienne. L'Auteur eft admis en la prefence
de l'Imperatrice, veuve du frere de fa Majefté.
LE dixneuvieme de ce mois on
fit une terrible exécution à
»1 fcït- »mcou. ^ u ne femme, qui avoit tué
fon mari, y f u t condamnée à être
enterrée toute vive jufques aux épaules.
J'eus la curiofité de la voir
en cet état, & elle me parut fort
fraiche & de bonne mine. On lui
avoit noué, autour de la tête &du
col, un linge blanc, qu'elle fit détacher
parce qu'il la ferroit trop.
Elle étoit gardée par trois ou quatre
foldats, qui avoient ordre de
ne lui laiffer rien donner, à boire
ni à manger, qui pût lui prolonger
la vie. Mais il étoit permis de jetter
dans la foffe, où elle étoit enterrée,
quelques Kopjkkes ou fols,
dont elle remercioit par un figne
de tête. On employé ordinairement
cet argent àachetter de petits cierges,
qu'on allume à l'honneur de
certains faints , qli'ils reclament,
& en partie pour acheter un cercueil.
Je ne fai même û ceux qui
les gardent n'en prennent pas leur
p a r t , pour leur faire donner quelque
nourriture en cachette ; puis
, qu'il s'en trouve qui vivent aifez
I long-tems en cet état. Mais celle-,
ci mourut le fécond jour après que
je l'eus vûë. On fit brûler tout vif,
le même j o u r , un homme, dont le
crime m'efl: inconnu. Je parlerai
plus amplement dans la fuite de ce
qui regarde la Juftice en ce pais.
Préfentement je vai pourfuivre
ma relation , felon l'ordre des
tems.
Le vingt-fixieme on célébra le Solei
mariage d'un certain favori du
Czar , nommé Fielaet Pî'iene'witz
Souskie , feigneur Mofcovite, avec
la Kneesna, ou PrincelTe Marie
Surjovena Schorhfskaja, foeur du
Knees, Eedder Surewitz Schorkofskaja,
aufli favori de fa Majefté. Ce
Prince invita à cettefolemnité tous
les principaux feigneurs & dames
de la Cour ; les Miniftres étrang
e « ,
D E C O R N E I L L E LE
1702. gers, & une partie des marchands
• d'outremer & leurs femmes. On
donna ordre à tousles conviez, de
s'habiller à l'ancienne maniéré du
pais , plus ou moins richement,
felon le règlement qui en fut fait.
Les noces fe firent dans la Slabode
Allemandi, à l'hôtel du General le
Fort, decedé depuis quelques années.
C'eil un grand bâtiment de
pierre à Vltalienne , où l'on entre
par un efcalier , à droite & à gauche
, à caufe de fa grande étendue.
11 a des appartemens magnifiques
, &• un très-beau fiilon, qui étoit
tendu de riches tapiiferies, où
l'on célébra le mariage. Onyvoioit
deux grands leopards , enchaînés
p a r l e col, tenant les pattes de devant
fur un écullbn, le tout d'argent
maffif: Un grand globe d'argent
fur les épaules d'un Atlas de
même metal,outre plufieurs grands
vafes & autres vaiiTeaux d'orfevrer
i e , dont une partie avoit été tirée
du trefor du Czar. L'endroit où
l'on devoir s'affembler pour faire la
cavalcade étoit dans la ville, proche
du château, dans deux grands
bâtimens vis-à-vis l'un de l'autre.
Le Grand Duc & tous les conviez
s'y rendirent de bon matin , les
hommes dans l'un, & les dames
dans l'autre. On en fortit fur les
dix heures pour aller au château ,
au milieu duquel je m'étois placé
pour voir cette cavalcade 3 qui parut
d'autant plus belle, que le tems
étoit parfaitement beau. Le Czar
s'avança le premier, monté fur un
fuperbe courfier noir. Il avoit un
habit de tiffu d'or des plus magnifiques;
favefte, ou robededeffiis,
étoit entremêlée de plufieurs figures
de différentes couleurs ; & il
avoit fur la tête un grand bonnet
rouge fourré. Son cheval étoit richement
enharnaché , avec une
belle houffe d'or; aiant à chacune
des jambes de devant un cercle
d'argent de quatre pouces de
large. Le grand air de ce Prince,
qui eft très-bien à cheval, n'ajouta
pas un petit ornement à la beauté
de ce fpeftacle; qui étoit aifurément
tout royal. Il avoit à fa
B R U N , 27
gauche le Prince Alexandre Dame- 170Î
kwitz de Menfikof, habillé de mê- i6,janv
me d'un brocard d ' o r , & monté fur
un très - beau cheval, bien orné,
aiant autour des jambes de devant
des cercles d'argent, comme celui
de fa Majefté. Les principaux Knees
ou Princes, fuivoient, deux à deux,
félon leur rang, tous à cheval, & habillez
de même ,au nombre de 48. Le
Czar étant arrivé de cette maniere
au château, s'y arrêta pour attendre
les autres, faifant faire des courbet.
tes à fon cheval. 11 étoit proche de
la porte à'Eivantz, ou de la Cour,
où font fes appartemens, & au deffus
defquels la Princeife fa foeur,
l'Imperatrice , veuve du ' défunt
Czar, frere de fa Majefté, & les
trois jeunes Princefl'es fes filles, s'étoient
placées dans un endroit ouvert.
Lors qu'il paifa fous cette
porte, les Princeffes le faluérent avec
un profond r e f p e d , & ce Prince
leur rendit leur falut de la même
maniere. Tous ces feigneurs étant
pafl'ez aulli deux à deux, on
vit avancer quelques lumieres, entourées
d'un grand nombre de valets
de pied. Enfuite, parurent encore
fix-vingt des principaux de k
Cour, deux à deux, habillez comme
les précédens.- Ceux-ci étoient
fuivis des Goofts ou douaniers ; de
notre R e f i d e n t , & des marchands
étrangers, .dont l'habit & les bonnets
difFeroient entièrement des autres.
Ils avoient pourtant tous des
bottines jaunes , mais des bonnets
plats & communs, & n'approchoient
pas de la magnificence
des autres. Ils étoient au nombre
de 34; de forte qu'il y avoit en
tout 204. perfonnes, à cette cavalcade,
la plupart richement parez.
Plufieurs „dwe leurs ^c1h1e1v- la. lLulxA a. IvVoUiiCeUnLt
des mords d'argent, & quelques-uns
d'entr'eux des chaînes de même, larges
de deux doigts, ou environ,&
affez groffes, qui leur pendoient du
haut de la tête jufqu'à la bride, &
étoient attachées au pommeau de la
felle, ce qui fiiifoit un cliquetis affez
agréable. Il y en avoit auffi qui
ne les avoient que de fer blanc &
plattes. Après cela on vit paroître
D 2 cinq
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