V O Y A G E S
1704.
19. Mai. 1704.
19. Mai.
C H A P I T R E XLVI.
DefcnptwndeHi,. Habits des Arméniennes. Sokmnkcz obfervecs
par,m ks Armen^ns , aux na.Jfanccs , aux managTéaux
emerremns. L education de leurs en fans, & leur manZ
de vivre, i i « Europeans , qui Mitent ,c, M.niJlresZZl
DE C O R N E I L L E LE B R U N. 53
>704
ï 9 . Mai.
Des
jÏÏa
Jalfa,
LE bourg àijulfa eft diviféen
plulicurspardes, &particiilieremeac
en vieille & nouvelle colonie.
La vieille, qu'on appelle
Soeg-ga , eft habitée par les principaux
marchands. On dit que leurs
ancêtres s'y rendirent de plufieurs
CTdroits,& même des frontières de
^¡rqme fous le regne d'Abus le
tirand , & que ce Prince leur affigna
des terres pour leur entretien
Les Gaures , anciens feftateurs de
-ioroajlre , s'y établirent auffi avec
quelques étrangers, dont on parlera
dans la fuite.
Tui- . 7"!/'' eft plus haut,
K cit divife en plufieurs quartiers,
favoir, I. celui de Gaif-rabact ou
de Koets , habité par des tailleurs
de pierre, pour les bâtimens & les
tombeaux. 2. Celui de Tabriefi ,
remph de tilTerans & d'ouvriers en
etofe; parmi lefquels il fe trouve
quelques François. 3. Celui de M
ou de Samsja-baet, qui appartient
a l'ancienne colonie, & qui eft habité
par des marchands, &: par des
ouvriers. 4. Celui d ' £ n oe « ; , r e m -
pli de commun peuple. Le 5. Je
r '^,!? 1- Nagt-fiewaen,
iiachfa-haen & Kasket/ie, font habitez
de même, &tous ces gens-là
fe nomment d'après le nom du quartier
qu'ils habitent, fans autre diftmition.
[
Le vieux Juif a eft beaucoup plus '
grand, que tous les autres quartiers
enfemble, & contient près de 2000
familles , parmi lefquelles fe trouvent
les plus riches 8f les plusconiiderables
marchands.
^ Ils ont leur propre Kalantaer ou
Bourguemaitre, Se leurs Betgoedaes
ou Dircfteurs de quartiers, qui décident
entr'eux toutes ks affaires
communes ; mais celles de confequence
font refervées au Roi ou au
Confei d^Etat & s'executent enfuit
e p a r l e Bourguemaître & parles
Uireiteurs des quartiers.
Le vieux appartient en propre
a Ja grand-mere du R o i , qu'on
nomme A W i - « / , , titre qu'on donne
ordinairement aux perfonnes
puiiTantcs & de grande conCderation.
Mais tous les autres quartiers,
dont on vient de parler, font
fous le Nngafbaesjie, ou chef des
peintres du Roi. Jls ne laiffentpas
d avoir leurs Dircfteurs, & ils avoient
même autrefois un Bourguemaître.
°
eefitt^ aauu fluTd ', Tc onfrifïte' "e n une grande ÎBÎ ' « ™
rue, habitee par les Guebres,c-e&.
' O"": embraffé le
Mahometifmc, depuis trois ans. Leurs
femmes vont le vifage découvert,
par une ancienne coutume. Te n'ai
jamais pu comprendre au jufte quels
etoient ces gens-U, que depuis mon
retour des & par cette raia°
ors
j Les principaux bitimens de M .
font les églifes , dont la principale
eft celle i:Anm-baet, ou de
lEveque de laquelle on parlera
, au fujet du baptême de la croix.
I L a 2. qui a un beau dôme,eft celj
le àz SvTfa-koo^ ou de St. Jaams,
I remplie de peintures de l'hiftoire
iamte , comme celle de l'Evêque •
elle a quelques appartemens vuides
a d r o i t e , & les femmes y font feparees
des hommes. La 3. qui eft
Ja
à quelque diftance les unes des au- 1704.
très. 11 ya au haut de cette maifon une 19. Mai.
belle terraffe.d'oii l'on a la plus belle
vue du monde, à quoi le R o i Abas
prenoit beaucoup de plaifir de fon
tems. La maifon de Bodsjie Agamaet
la plus grande, eft celle de '
.'.TôîSiî/«, ou de St.Thomas: elle eft
longue & foutenuë par trois colomnes
quarrées de chaque côté.
Cette Eglife n'apointdepeintures,
& toutes les murailles en font blanches
s le dôme en eft fort bas , &
l'on monte à l'autel par trois marches
de châquecôté. Outre ces trois
Eglifes-là, il s'y en trouve 11. ou 12.
plus petites & moins ornées. Il y
en a auffi 13. ou 14. dans le nouveau
Julfa , lefquelles font petites
Se n'ont rien de remarquable.
Les principaux Arméniens ont
d'aifez belles raaifons dans le vieux
Julfa. La plus confiderable eft celle
de Hoisje Ai/Boaeî, dont la grande
file eft toute dorée. Si peinte de
fleurs & d'autres ornemens, avec plufieurs
miroirs. Le plancher en eft
voûté 6c diviféen4. compartimens,
au milieu de chacun defquels on
voit une étoile ou une rofe d'or,
entremêlée de quelques couleurs, Si
les murailles en font revetués de
marbre à deux ou trois pieds de
hauteur. Il y a des niches aux dffux
bouts de cette fale, remplies de feftons
& de feuillages entrelacés, d'une
beauté inexprimable. On entre
par la porte de devant de ces maifons
là , dans une belle baffe-cour,
au milieu de laquelle , il y a un
beau parterre en rond, une cour
femblable derriere la mailbn, avec
un bâtiment détaché pour les femmes,
à la maniere du pais.
Après avoir bien examiné tout ce
qu'il y avoit à voir dans cette maifon
là , dont le maître me regala
fplendidement, j'allai voir celle du
Bourguemaître Hogaes ou Lucas,
que j e trouvai auffi grande que l'autre
, mais pas fl belle. De celle-ci,
j e me rendis à celle à"Arjiet - Aga,
devant laquelle il y a un grandjardin.
Elle eft auffi fort grande Se
remplie de beaux appartemens. Celle
de Hodsje-Saffraes a ausfi un grand
jardin, 8c toutes les murailles de la
niaifon font peintes & remplies de figures
grandes comme nature. On y
voitentr'auttesunTi/rf 8c une Turque,
& plufieurs autres figures habillées
à h.Pcrfane Se ì l'Efiagnole-,
eft une des plus élevees Se des
plus ornées : elle a un bel appartement
qui donnefur la rue, avec de
belles grandes fenêtres, Se la terraffe
en eft charmante. Celles de Hodsjie
Ovannis, de Hodsjie Mur f a , & de
plufieurs autres ne cedent en rien à
celles-ci. Il s'en trouve qui ont une
fontaine de marbre d'une grande
propreté, avec un jet d'eau dans le
plus bel appartement, ou à l'entrée
en dehors.
Toutes ces maifons-là font très- Proprcti
propres Se bien entretenues : les
chambres en font couvertes de beaux
tapis, Se remplies de carreaux couverts
de brocard d'or ou d'argent. La
porte de devant de la plupart de ces
maifons, eft fort petite , en partie
ipour empêcher les P e r / « d'y^entrer
.à cheval, Se en partie pour qu'on apperçoive
moins la magnificence du
¡dedans. Les principales rues font
î ornées de beaux fennés des deux côtés.
I Les habits des Arméniens ne diffe- Habits
rent guère de ceux des Perfans, hors <1=! At-
,qu'ils nefontpas fi propres, ni leurs
i turbans fi bien plifiez, outre qu'il
: ne leur eft pas permis d'en porter à
\iPerfane, ni des pantoufles vertes.
Quant aux Arntenienes de confi- Des femderation,
elles portent, comme les"i"-
Perfanes , une demi bandelette fur
lia tête, ornée de pierres precieufes
! Se de perles. Elles ont fous cette
bandelette un chambara d'or, orné
de même, qui a deux doigts de large
s Se le long dés joués une vingtaine
dcducats d'or, Se d'autres ornemens
, garnis de perles , qui paffent
par-deffous le menton, Se le bas du
vifage couvert, jufquesau nez d'un
certain voile, attaché fur la tête par
derriere. Elles portent outre cela
un autre voile autour du col, dont
les extremitez font bordées d'or Se
d'argent, lequel s'attache ausfi fur
le derriere de la tête , Se ces deux
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