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i^oó.maifons ,
V O Y A G E S
Le cb;
teau.
Defcripqui
s'y trouvent ne font
Juilk pas grand' chofej Se les arbres, dont la
ville eft entourée, empêchent qu'on
n'en voye le refte, & le château de
ce côté-là. Pendant que j'étois occupé
à la deiTiner j je vis paroître,
à diverfes reprifesaiTez près demoi,
un crocodile, qui s'éleva plulîeurs
fois au-deiTus de Teau.
Quant au château c'eft un grand
bâtiment quarré, aflez long, ceint
d'une haute muraille , avec 4.. bâfrions
& deux demi-lunes entredeux,
& qui a près d'un quartdelieuëdc
tour. 11 eft bien pourvû d'artillerie
j 6c a une garnifon Hollandoife
d'environ 400. hommes.
La ville eft bâtie fur le rivage de
tiondela mer 5 & a bien deux lieues de
tour. La plupart des maifons en
font fort chetives, faites de branches
d'arbres,& couvertes de feuilles. Elle
a auffi des fauxbourgs, & des cabanes
le long de la côte de la mer,&
du côté de la terre, & eft fort peuplée
6c remplie d'enfans.
. J'y trouvaidetrès-bonnesanguilles,
& en grande quantité, dont je
remplis quelques pots pour en fai
re prefent à mes amis à Batavia.
Tout le commerce de ce quartier
là ne confifte qu'en poivre. Le
grand port y a près de trois lieuës
de tour, & eft auffi large que long
à l'entrée, de forte queles vailTeaux
y fönten pleine fureté. C'eft le plus
grand que j'aye jamais vû. Ce
Royaume eft dans la partie meridionale
des Indes Orientales ^ fur la côte
feptentrionale, à l'oueft de l'Ile
à i z j a v a , proche du détroit de la
Sonde ; à 24.. ou 25. lieuës de Batavia
Ì l'oueft.
J'allai me promener fur l'eau dans
un Canot. Ce font de petites bar-
Anguilles.
Commerce.
lé Garante, lequel eft rempli de tom- i
beaux, á une lieue de Bantam y (\.mi.]\x\\\,
le bord de la grande riviere , qui
vient des montagnes. Ce font ceux Tomdes
familles des R-ois de Bantam.
Le principal édifice en eft tout ruiné
, & tous les autres en font des
plus communs dans des lieux couverts.
On y voit plufieurs corps à
côté les uns des autres, fans aucunes
tombes, fimplement couverts de
terre, un peu élevée au-deifusdela
fiiperficie , avec de petites pierres
jointes en forme de tombes. Ce lieulà
eft ceint d'une feule muraille. A
notre retour nous allâmes nous laver
dans la riviere, proche d'un jardin,
où le Roi prend quelquefois le
même divertiflement»
Nous abordàmesprochedelaviU
le pour aller rendre vifite à une dame
, qui avoit 130. ans, dont le Roi
m'avoit parlé, 6r qu'il m'avoit ordonné
de voir. Elle demeuroit a-pj^^g
vec une grand'tante de fa Majefté,fortâgie;
qui avoit la direftion de toutes les
danfeufes. Comme nous venions de
la part de ce Prince, on nous introduifit
dans l'appartement des femmes
5 qu'on voulut faire danfer j
croiant que nous venions pour cela j
mais je les remerciai,en difantque
j'avois déjà jouï de ce divertiiTement
là j furquoi on me mena auprès
de la tante du R o i , à laquelle
je rendis grace de l'honneur qu'elle
m'avoit voulu faire, & lui dis que
je fouhaitois feulement de voir cette
vieille dame. Quelques demoifelles
curieufes de me voir m'y conduifirent,
& je la trouvai dans un
aiTez pauvre appartement, aifife fur
une efpece de table, couverte d'une
toile grife, à la maniere du pais,Se
tête nuë. Elle étoit encore aifez
ques du pais,pointues par lesdeux ; fraiche & avoit la voix affez ferme
bouts, & formées de la tige creufée
d'un certain arbre qu'ils appel
lent Bayer-fouriam , &: qui font la
plupart d'une groÎTeur furprenante.
Ces barques-là vont aflez bien à la
rame. J'étois accompagné d'un certain
Trvjfim , établi depuis longtems
dans ce pais-là,dont il favoit
bien la langue & toutes les manieres.
mais elle étoit fi foible des jambes,
qu'elle ne pouvoir plus fefouteniri
auilî n'avoit-elle plus que la peau &:
les os. Comme le jour commençoit
à baiiTer, je fis venir une chandelle,
que je pris d'une main, &mis l'autre
Nous allâmes à un lieu appel- ^
devant, & demandai à cette dame
fi elle la voyoit bien. Comment
la verrois-je, r e p r i t - e l l e , q u e vous
tenez la main devant? Cependant
elle
D E C O R N E I L L E LE B R U N .
elle ne pouvoir plus diftinguer les
i.juill. traits du vifage. Je lui demandai
enfuite, pour éprouver fa mémoir
e , d ' o ù elle étoit? Je fms native de
Jakatrai me dit-elle, c'cftl'anciei
nom de Batavia, avant qu'elle fut
pnfe par la Compagnie, il y a 97.
ans , & je vins habiter en ma jeundXc
à. Bantam y où fai connu j.RoiS:
qu'elle nomma tous par leur nom,
Elle mangeoit cependant toujoun
comme à l'ordinaire; mais elle tomboit
de tems en tems dans l'enfimce,
6calors elle ne demandoitpoint
â manger, mais on prenoit foin de
lui en donner. Au refte , elle avoit
les yeux fort enfoncez dans k
t ê t e , & les cheveux tous gris 6c fort
minces, 6c fon grand âge lui avoic
courbé tous les doigts en dedans,
Après l'avoir affez coniîderée,nous
primes congé de la tante du Roi,
que nous remerciâmes de fes honnêtetez.
Le lendemain, je me préparai à
partir fur le foir, dans une barque
du païs n'aiant pas voulu m'en retourner
dans le vaiiTeau qui m'avoit
amené , 6c qui avoit fait voile le
" jour précèdent, parce quelesvents
contraires retiennent fouvent ces
vaiiTeaux-là long-tems en chemin,
dans la faifon où nous étions. J'avois
prié Mr. de ÏVys de m'en louer
une , ces barques- là faifant ordinairement
le trajet en 24. heures ;
mais il eut la bonté de me donner
la fienne, qui étoit plus grande &
plus commode , 6c je m'embarquai
fur les 7. heures du foir avec Monfr.
Kaefi qui s'en retourna avec moi.
Le Commandant 6c Mr. de PFys
me chargèrent de leur reponfe à
Mr. le General , 6c je leur rendis
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mille graces de toutes leurs bontez. 1706.
Mr. le Commandant voulut même n. Juill.
m'accompagner hors de la porte de
la ville, où je trouvai Mr. de IVys
6c le Secretaire, qui m'attendoient
pour me dire adieu.
Le port qui eft de ce c ô t e - l à . Départ
n'eft m large ni profond , de forte
qu'il faut fefervirdelaperchepour
faire avancer la barque, ce qui eft
fort ennuïant,parcequ'elle n'avance
guère. Lors que nous en fûmes
fortis , il fallut mouiller l'ancre
pour attendre le vent de terre, qui
s'éleva peu après. Nousavançames
tellement pendant la n u i t , par un
beau clair de lune, qu'à la pointe
du jour nous atteignimes le vai fléau,
qui étoit parti la veille , 6c qui ar
voit le vent contraire. Ainfi, en
côtoyant toujours, 6c paflant entre
les lies, nous arrivâmes à Batavia Retour i
fur les 3. heures après midi. J e fur-Batavia,
pris Mr. le General , qui ne m'attendoit
pas fi-tôt,5clui fîslescomplimens
du Roi, en lui rendant les
lettres, que j'avois pour lui. J e lui
rendis aullî compte de tout ce qui
m'étoit arrivé , dont il parut trèsfatisfait.
J'allai enfuite rendre mes
devoirs à l'ancien General, qui fut
ravi de l'heureux fuccès de mon.
voyage.
J'apportai de Bantam quelques Oifcaus
petits oifeaux, que je mis dans de
l'efprit de vin pour les conferver.
Le plus beau avoit une tache violete
au-defl"us de la tête , 8c l'eftomac
d'un beau rouge auflî-bien que
la queue: tout le refte en étoit vert.
11 y en avoit d'autres plus petits,
aufli verts , avec le deffous 6c la
queue rouges, 6c d'autres qui avoienc
les mêmes parties grifes.
l'I
à
I,