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V O Y A G E S
D E C O R N E I L L E L E B R Ü N . 63
1705.
5. Fevr
nous fîmes bien du chemin, & n'avançames
que lentement enfuite,
parce qu'il n'y avoit guere de neige.
Le Czar ne s'arrêta pourtant
pas j u f q u e s à Stoefem, oii l ' o n avoit
conilruit 10. VaiiTeaux. Nous
continuâmes notre chemin pendant
la nuit 3 & arrivâmes le cmqnteme
à une heure du matin à Veronis ^
qui efl: à 190. werjies du nouvel
Ol'anjenbourg. La compagnie s'étant
leparée pendant la nuit , on
n'arriva que par bandes. Le jeune
JVionficur le Fort & moi fûmes
les premiers ; & comme on n'avoit
point réglé les logemens, nous allâmes
tout droit à la maifon du Contre
Amiral Rces. Nous y apprîmes
qu'il y avoit trois femaines qu'il
gardoit le lit d'une chute de chariot.
Dès le matin nous allâmes lui
témoigner la part que nous prenions
â fon malheur. 11 nous reçut fort
civilement & nous pria de nous 1ervir
de fa table & de fa maifon. Le
C z a r arriva à une heure après mid
i , au bruit du canon du château
&: des vaiifeaux , qui étoient gelez.
Ce Prince vint voir le Contre-
Amiral un moment après. l i f e rendit
de là chez Mr. Fcildor Mnfhewitz
Apraxim, membre d e l ' A -
mirauté , qui commandtiit dans la
Place. Nous eûmes ordre de l'y fuivre
& fûmes bien r egal e z , au bruit 1705,
de l'artillerie , dont on tiroit de 6. n
tems en tems 50. pieces, & ainfi
finit la journée. On avoit cependant
ordonné de préparer des chambres
dans le château pour les étrangers
de les bien regaler,en leur
donnant toutes les viandes qu'ils
fouhaiteroient. On n'y épargna pas
non plus la boilfon, & iVlr. l'Envoyé
à&Komgzegg, qui eut la direftion
de la table, s'en aquitta parfaitement
bien. M e f f i c u rs Steel, Kmfius & Hdl
reftérent chez un ami,&Monfieur
le Fort & moi chez le Contre-Amiral
, allant pourtant de tems en tems
manger au château. Sa Majefté demeura
dans une maifon privée fur
le quai avec les Rnßem. Leß x i c -
we,nous allâmes voiries vaiffeaus,
oil l'on but gaillardement. Fewdor
Mufhewitz nous regala à midi & le
lendemain. Ce futla conclufion des
feftins , le grand jeûne des Rußem
c o m m e n ç a n t le 8. Le nm-vtème
priai le Czar de me permettre de
dcflîner ce qu'ilyavoitdeplusconfiderable,
ce qu'il m'accorda furie
c h a m p , e n d i f a n t . Nous avons fait
bonne chère ^ ér nous fommes bien divertis:
Noîts nous fommes un peur
fofez enfuite. ließ frefentement tems
de travailler.
C H A P I T R E XIIL
Deßription de Vexoais. ie D o n o z ^ / e T a n a ï s . Retour a M o k o u .
Depart de f a Majeflé pour fe rendre a S k u t e l e n b o u r g.
Siniatior
deVcro. LA ville de Feroms eft fituéeau j
52i. degré de latitude, fur le!
haut d'une montagne 5 ceinte d'une I
muraille de bois, toute pourrie,&
divifée en trois parties. Les principaux
marchands habitent
un de ces quartiers-là, qu'on nomme
Jakatof. Il y a une grande corderie
dans la ville, & les magazins
à poudre y font hors des murailles,
dans des caves. On voit plufieurs
maifons fur le penchant de la montagne
le long de la riviere,lefquelles
occupent une étendue de 400.
pas. Les principales font habitées,
par l'Amiral Goloivin , Mr.
fraxim membre de l'Amirauté, le
Boyard Lofkrielowitz , le P r i n ce
Alexandre Danielowitz & p a r d ' a u -
tres RuJJlens de qualité. La plupart
de. ces maifons font vis-à-vis de la
Citadelle, & celles du Contre-Amiral
& des autres officiers de marine
à côtéde celles-ci, derrière lefquelles
kjc
i,. F.
LiCita.
ddlc.
quelles il y a des rues, oti demeurent
ceux qui travaillent à la conftruftiondesvaiifeaux&
c. Cette ville
eft à l'ouëit: de la riviere de Veronis
y dont clic porte le nom. La
Citadelle eft de l'autre c ô t é , &on
s'y rend par un grand pont de communication.
Ses foifés font remplis
de l'eau de la vieille riviere. C'eft
un bâtiment quarré, qui a des tours
aux quatre coins, & beaucoup de
grands apparteniens, & qui paroit
beaucoup par dehors. Les fables des
dunes rempliifent tellement la nouvelle
riviere qu'elle n'eft pas navigable,
& que les vaiifeaux font obligez
de pailér par la vieille. La
Citadelle eft le principal magafin,
& c'eft auili le nom qu'on lui donne.
11 y avoit plus de 150. pieces
de canon dedans, à la vérité la meilleure
partie fans affûts ; pour être
tranfportez felon l'exigence des cas.
Cette Citadelle eft garnie de palliflâdes
en plufieurs endroits , Se
pourvue d'une affez bonne garniîbn,
aufii bien que les environs de
la v i l l e , pour s'oppofer aux incur-
Lcîchan-fions des Tartares. Les chantiers
Îrenf-' P™"- ^^ confti'tiftion des vaiifeaux,
truaion font à côté de la Citadelle,au lieu
feaux^""' ^^^ faifoit autrefois par tout.
L e magazin eft de l'autre côté;
C'eft un grand bâtiînent à trois étages,
dont les deux premiers font
de pierre , & le troiûème & le
plus élevé, de bois. Il a plufieurs
appartemens remplis de toutes les
yiokns. J'y retournai le lendemain i7o->
à pie pour m'échaufer en chemin, 9. FcvÎ
accompagné de mon valet & de trois
matelots du Contre-Admiral,pour
e m p ê c h e r les Ruffiens, que la euriofité
y pourroit attirer, d'approcher
de moi. Je leur ordonnai de
fe pourvoir d'une grande natte, de
quelques bâtons, d'une hache, &
d'une bêche pour creufer un trou
en terre, où je me pûfle placer commodément.
Lors qu'il fut f a i t , je
me couvris par derriere de la nattej
pour être moins expofé au vent.
Ailis de cette maniéré,on mevoioit
facilement de la ville & le long de
la riviere. Je n'y fus paslong-tems
autli fans être découvert. Deux
charpentiers de vaifléaiix, Anglois,
m'aiant apperçu de cette rivierei
envoyèrent deux ou trois de leurs
gens pour favoir ce que je faifois.
Les voiant avancer, je dis aux matelots
, qui étoient armés de demi
piques, d'empêcher qu'on n'approchât
de moi ; de ne dire à perîbnne
ce que j e faifois i & au cas qu'on
leur demandât, de repondre qu'ils
n'en favoient rien. Il s'aflêmbla
c e p e n d a n t , p l u s de 50. Rujpens fur
là montagne, attirez par la curiofité
& pat la nouveauté du fpeftable
, fans pouvoir comprendre ce
que c'étoit. Mais les matelots les
aiant repoûflez ils n'ofèrent paiTer
outre. Lors que j e fus de retour à
la ville,j'appris du Contre-Amiral,
que le bruit s'étoit répandu, qu'on
chofcs neceffaires pour la marine, I avoit fait enterrer en v i e , fur le fom
chaque forte dans un endroitparti.
culier, jufques aux habits, & tout
ce qu'il faut aux matelots. La maifon
tans de la (
ville &
où l'on travaille aux voiles, eft
à côté de ce magazin. On compte
Nombre Y ^^ P'^s de lo. mille perfoneshabi
nés dans cette ville & aux environs.
' On voit audi deux ou trois villages
dans la plaine.
hedixieme, j'allai chercher un
lieu propre à f i i r e le delfein de la
ville. Je clioifis pour cela l'endroit
le plus élevé d'une montagne, qui
n'en eft éloignée quededeux ti'erftes,
au fiid-oueft. J'y commençai
Jiion ouvrage, mais je ne pûsle continuer,
le froid & le vent étant trop
met de la montagne, un des domeftiques
du C z a r , fans qu'on fût qui
c'étoit ni pourquoi : Qiie cet homme
enterré jufques â Ta ceinture,
tcnoit un grand livre à la main;
c'étoit le papier fur lequel je deffinois,
& qu'il n'ètoit permis à perfonne
d'en approcher, trois fentinclles
s'y oppofant. Les officiers
même fe demandoient qui étoit celui
que la juftice faifoit executer.
Mais trouvant le doiiziimedumoisi
que le criminelavoitchangèdéplacé
, & par conféquentqu'ilss'étoient
trompés, ils allèrent fe mettre une
autre chimere dans l'cfprit. Il y
avoit un peu plus loin un vieux cime