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1692. font fort pauvres, & habitent en
d<= miferables cabanes,
terre. mais il leur feroit facile de fe mettre
à leur aife , le païs qui eft aux
poiffon. leteries, & la riviere en poiiron,&:
fur tout en éturgeon, dont ils donnent
une vingtaine des plus gros
pour trois fols de tabac. iVtais ils
font trop pareiTeux pour travailler.
& fe contentent d'amafler ce qui
leur eft abfolument neceflaire pour
paffer l'hyver pauvrement.
Ils ne mangent guère que du poiffon
, quand ils font en voyage &
A G E S
fur tout à la pêche. Leur taille eft 1691.
moyenne , & ils ont les cheveux
blonds ou roux ; le vifage laid &
large, auffi-bien que le nez. Ils ne
font pas enclins à la guerre, & n'entendent
nullement le maniement des
armes. Cela n'empêche pas qu'ils
ne fe fervent d'arcs & de fléchés
pour aller à la chafle, mais fans a-HatiliedrelTe.
Ils fe couvrent de la peau te
de certains poiffons, & fur toutde?„es!'
celle de l'eturgeon, & n'ont point
de linge. Leurs bas & leurs fouliers
font attachés enfemble, & ils
portent par-deffus leur habit une
camifole affez courte, à laquelle
tient un bonnet, dont ils fe couvrent
lors qu'il pleut. Leurs fouliers,
qui font auffi de peau de poiifon,
ne fauroient refifter à l'eau, deforte
qu'ils ont toujours les pieds
mouillés. Ils foulFrent, fans en être
incommodez, toutes les rigueurs
d'un froid épouvantable fur l'eau ,
avec ces miferables habits, dont ils
ne changent pas, à moins que l'hyver
ne foit extraordinaire, & en ce
cas ils fe contentent de mettre deux
de ces camifoles l'une fur l'autre.
Cela leur fert même , en quelque
maniere , ^d'ére, 8c ils s'entre-demandent
s'ils ne fe fouviennentpas
de l'hyver auquel ils portoient deux
camifoles? Ils n'en portent qu'une
à la chaffe en hyver , & ne fe couvrent
D E C O R N E I L L E LE B R U N . 113
j g g , Vrent par la poitrine, fe flattant de
14, Août, s'échaiifer affez en courant fur la
neige avec desibuliers à traîneaux,
lispcvir- iors qu'ils ie trouvent furpris
fciu dans ,, , f j • • \ I 1
,ici- d une gelee extraordinan-e, a laquelg
«- le ils ne peuvent pas refiilerj ils fe
dépouillent à la hâte, & s'enfeveliHent
dans la neige , pour mourir
foudainement 5c avec moins de peine.
L'habillement des femmes ne différé
guère de celui des hommes ;
dont ie principal divertiifenientcil
ciwiTe celui de la chaiîe aux ours. Ils v
desOflia- w.. .. ' ^
que, ik vont en troupes n étant armes que
leuv pvo- d'une efpece de couteau fort aigu,
l'égard iittaché à un bâton , qui a environ
des ours. Lme braile de long. Après avoir tué
l'ours j ils lui coupent la tête , &
l'attachent à un arbre , autour duquel
ils courent, lui rendent de
grands honneurs, ils font la même
chofe autour de fon corps 6cluidifent}
qui eft-ce qui t'a ôté la vie?
Cefont lesRuJfienSiVé^onàQni-ïis euxmêmes.
Qui t'a coupé la tête?
la hache à'mi Rnßen. Qui t'a ouvert
le ventre? C'efi le couteau d'un
Rußen. En un mot, ils attribuent
aux Rußens tout ce q^ii'ils ont fait
à cet animal.
Ils ont de petits Princes parmi
eux, dont il en vint un à bord du
vaillcau de Mr. Isbrants , nommé
le lùu'es ào,KurzaMuganak^lcQ^wQX
avoit la direftion de quelques cen-1
raines de cabanes , &:rccueilloitle
tribut que ces peuples font obligez
de payer aux IVaiwodes de fa Majeilé
Czarienne. Il s'y rendit accompagné
de toute fa fuite , avec un
preiént de poiiTon frais, & s'en retourna
, après aoir reçu en échange
de l'eau de vie & du tabac, dont
i l parut très-fatisfait. Il revint peu
après , pour inviter ce Minière à
L'Auteur fon Palais 5 ScMr./.i'^m/rieutlacuen
vifite rioftté d'y aller, & lors qu'il y fut arrivé
le Knces fit lui-même les honneurs
de fa maifon, dans laquelle il
Dcfcrip- leconduilit. Elle étoitfaited'écorc
" u " c e s d'arbres cosinme les autres cabarfcfes*"''
lies, 8c ailezmalcoufuës. Ilytroufciiimes.
va quatre des femmes de ce Prince,
dont la plus jeune avoit unejupede
drap rouge, ôc beaucoup de corail
Petits
Princes.
de verre autour du col &• de la 1692,
ceinture , de même qu'autour des 14- Août,
treifes de fes cheveux, qui lui pendoient
de part d'autre fur les épaules.
Elle avoit de grandes boucles
aux oreilles , d'où toraboient
des grains de corail enlîlés. Ces Dames
lui offrirent chacune un petit
tonneau fait d'écorce d'arbre rempli
de poiiTon fee, & la plus jeune
un tonneau d'éturgeon, jaune comme
de l'or. Il les regala à fon tour
d'eau de vie 8c de tabac , qui font
de grandes délicateiTes parmi eux.
Cette cabane n'avoit pour tous meu- Ses mcu-j
bles , que quelques berceaux , Ôc
des coñres fairs d'écorces,danslefquels
étoient leurs l i t s , remplis de
raclures de bois, aufli molettes que
des plumes. Les berceaux étoient
au bout de la cabane, remplis d'enfans
nuds , & le feu au milieu. Il
n'y avoit pour toute batterie de cuiline,
qu'une feule marmite de cuivre
, 6c quelques autres d'écorce
d'arbres, dont ils ne peuvent fe fervir
quand il y a de la flamme.
Lors qu'ils prennent du tabac, à Maniere
-quoiils font fort addonnez, hommes
6c femmes , ils s'emplifíent la
bouche d'eau Se avalent la fumée du
tabac avec cette eau. Cettefumée
leur ôte tellement la refpiration
qu'ils tombent, 6c demeurent quelque
tems couchez à terre fans con- Les connoiíTance,
les yeux ouverts, 6c l'é-f^^qucn- '
cume à la bouche, comme des per- enrefuifonnes
attaquées du mal caduc : il tenrs'en
trouve même quelquefois qui
meurent en cet état j d'autres qui
tombent dans la riviere, ou dans le
f e u , 6c periffent miferablement, 6c
quelques-uns qui font fulîbqués de
cette fumée.
Ils fe mettent fort en coîere lors ^
qu'on parle de leurs parens, ou qu'on moeSs:
les nomme, bien qu'ilsfoient morts
depuis long-Cems. Ils ignorent abfolument
ce qui s'eft paifé dans le
monde, avant leur tems, 6c ne favent
ni lire ni écrire. Ilsnes'appliquent
auiTi nullement à la culture
de la terre , nonobftant qu'ils aiment
fort le pain.
Ils n'ont ni églifes ni prêtres.Lejj,.5
Leurs barques font faites d'écorces barques,
P d'ar