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V O Y A G E S
D E
C O R N E I L L E LE BRUN,
P A R
La M O S C O V I E , & la P E R S E ,
Aux INDES ORIENTALES ; à la Côte de MALABAR,
riilede C E I L O N , B A T A V I A , B A N T A M ,
& autres lieux.
C h a p i t r e I.
Refolution de l'Auteur. Son départ de la Haye, &
Jon arrivée à Archangel.
IjLmefemblei qiiejene
faurois mieux commencer
la Relation de
ce Voyage, qu'en rendant
graces à D i e u , de
l'avoir heureufement execute, par
fa bonté & fous fa protection, auiîl
bien que le précèdent, auquelj'avois
employé 19 ans avec beaucoup de
fatisfaftion.
A mon retour à la Haye, je me
trouvai animé du dcfir de revoir
une fécondé fois les pais étrangers ;
d'en confiderer plus attentivement
les peuples & les moeurs, & de faire
im fécond Voyage aux Indes Orientales,
parla Mofcovie, & liFerfe.
Ce deflein déplut à mes parens & à
mes amis, qui m'en repréfentérent
toutes les fuites, 8c les inconveniens :
mais mon inclination, jointe au fuccès
de ma premiere entreprife, me
fit pafler aOez legerement par dellus
ces eonfiderations. D'ailleurs, me
trouvant dans un âge plus avancé
Scavec plus d'experience, je crus,
que je pourrois mieux obi'erver les
cliofes, que je n'avois fait pendant
majeuneife; outre que Icfom, que
j'avoispris, depuis mon retour, de
confulter des gens de lettres &plufieurs
Curieux, meperfuada, que je
pourrois faire des découvertes plus
confiderables & plus utiles, que je
n'avois fait jufques-là. Rempli de
ces efperances, je m'appliquai, avec
foin, à l'examen de plufieurs Cabinets
de raretez, & appris à preparer
& à conferver dans des efprits ,
toutes fortes d'oifeaux, d'animaux
& de poiiTons, pour les tranfporter
fans fe corrompre. Je refolus auili,
de peindre d'après nature j fur de la
toile ou du papier, plufieurs productions
de la merj des fleurs, des
plantes & des fruits Scc. Cependant
je n'envifageois cela que comme un
acceffoire, mon principafbut étant
de découvrir les antiquitez des pais,
où je paiferois, & d'y ajouter quelques
reflexions ; d'en confiderer attentivement
la religion, les moeurs,
les maniérés, la politique, le gouvernement
, Se les habillemens j ce
qui fe pratique aux naiflanccs, aux
mariages &: aux entcrremens des
peuples, qui habitent ces regions
éloignées : Enfin , d'en examiner
le terroir & les villes avec toute
l'exaftitudepoifible, pour en faire
une relation fidelle à mon retour.
Je partis de la Haye, lieu de ma
naiflance , le vint-huitieme Juillet,
1701. pourmerendreàAmfterdam, pjrt delà
A oil Haye.
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