pitaine avec trois ou quatre hommes. Nakalassé assassina
Bureau par trahison, et Mala expédia ceux qui
étaient à terre. Les cadavres des victimes furent ensuite
rôtis et mangés, comme de raison.
Un navire américain passa quelques temps après et
voulut se rendre maître de la Joséphine 5 mais les naturels
s’y opposèrent, et après une canonnade infructueuse
, l’Américain s’en alla.
Mala a été tué depuis cette époque ; mais Nakalassé
vit encore et habite Piva ; fier des fusils et de la poudre
qu’il a trouvés sur la Joséphine, il attend avec impatience,
dit Latchika, un navire français pour le
combattre. Du reste, il ajoute que Nakalassé et Mala
n’ont fait ce mauvais coup que dans l’espoir du pillage,
et sans que Bureau y ait donné le moindre sujet. Ce
Nakalassé, suivant notre Tonga, serait un mauvais
homme que Latchika désire vivement voir tuer. Son
voisin Tanoa, grand chef qui habite l’île Pao, ne
prendrait nullement sa défense,- car il a déjà été
chassé de son pays par Nakalassé, et il n’a été rétabli
sur son trône que par l’aide de Latchika. Tanoa, du
reste, est un chef très-puissant, qui a succédé à No-
livo qui régnait sur Pao à l’époque de mon premier
passage sur X Astrolabe, celui-ci a été tué par les gens
de Piva, ainsi que Tamboua-Nakoro, son neveu et fils
de Tanoa.
E n fin , plus tard je pus encore recueillir après coup
la relation exacte des faits tels qu’ils se sont passés,
et pour en finir, j’en donnerai ici la narration, telle
que je la recueillis des Européens qui habitent depuis
fort longtemps Lebouka (île Obalaou) et qui assistèrent
presque à cette scène de carnage*.
« Le brick français la Joséphine, capitaine Bureau,
était venu dans le milieu de l’année 1833, aux îles
Viti, pour y prendre un chargement des tripangs et
d’écailles de tortues. Désirant faire unvoyageàTaïti,
le capitaine laissa sur l’île Piva son deuxième maître
d’équipage, nommé Joseph, pour qu’il continuât la
pêche des tripangs pendant son absence.
« Franck, neveu de Nakalassé, chef de Piva, ayant
témoigné le désir de faire le voyage à Taïti, le capitaine
Bureau qui avait beaucoup d’affection pour ce
jeune homme, le prit à son bord et partit pour sa
destination.
« La Joséphine resta huit mois absente des îles Viti.
* Cette narration a été retrouvée entière dans les papiers de
M. d’Urville. Ecrite par une m a i n étrangère, elle ne porte ni signature,
ni aucune note qui puisse faire connaître 1 autorité d ou
elle émane , mais je ne doute pas un instant qu elle ne soit le résultat
des conversations que M. d’Urville avait eues avec des
Européens fixés à Lebouka. Les détails quelle contient mont
paru parfaitement exacts, et, sous ce point de vue, il m’a semblé
indispensable de la donner au lecteur.
11 est facile, du reste, d’j reconnaître tous les faits principaux
déjà narrés par José-Manuel Muños , et si on remarque des variantes
assez considérables dans les détails et dans les noms des
acteurs, il ne faut pas oublier que c’est longtemps après que ces
détails ont été donnés à M. Barrot, et il faut faire la part de la
jeunesse de Muños au moment de l’événement, comme aussi de
la propension qu’ont généralement les matelots a défigurer tout
nom propre qu’ils sont appelés a prononcer. V. D.