tout-puissants aux Viti, libres de s’approprier le bien et la femme
de leurs sujets, ne voulaient pas admettre une religion dont le
premier dogme est l’égalité devant Dieu, et qui prescrit le mariage
avec une seule femme et le respect du bien d’autrui. Ce sont
les objections que plusieurs d’entre eux ont faites avec la plus
grande naïveté au pauvre missionnaire, qui à bien de la peine
à leur persuader de faire abnégation de leurs droits et intérêts
dans ce monde dans l’espoir d’une vie meilleure dans une autre.
Les hommes les plus éclairés et les plus civilisés font difficilement
un pareil sacrifice, on ne peut donc guère l’attendre de ces
hommes sensuels et grossiers , à moins que quelque grande
calamité réagisse sur leur esprit naturellement craintif et superstitieux......
Je retaarquai, en visitant un village situé à une demi-lieüe
dans l’est de Lebouka, qu’il était entouré d’une espèce de fossé
et de palissades ; j ’appris que tous les villages étaient ainsi
retranchés pour les mettre à l’abri des invasions continuelles de
leurs voisins, toujours disposés à tomber à l ’improviste sur ceux
qu’ils croient sans défense. Il est triste de penser pour l’honneur
de ce peuple que ces expéditions n’ont Souvent d’autre but que
de faire des prisonniers pour la table des grands, et ces îles ont
offert des scènes de cannibalisme à faire reculer d’horreur. Les
Européens, qui ont été si souvent forcés de les accompagner dans
ces expéditions, n’ont cependant jamais été contraints de prendre
part a ces horribles banquets ; les Vitiens respectaient leurs préjugés
a cet égard, car ils ne regardaient leur dégoût que comme
un préjugé; les colons de Lebouka s’applaudissaient comme
d’une grande victoire d’avoir obtenu des indigènes de ce village
qu’ils allassent immoler loin des habitations leurs prisonniers et
assouvir leurs dégoûtants appétits. Ces hommes, si doux en apparence,
étaient dépeints par les blancs comme de vrais tigres
affamés lorsqu’ils dépècent le cadavre d’un ennemi; le cannibalisme
est poussé si loin chez eux, que ce n’est pas seulement un
moyen d’assouvir leur vengeance, cette passion qui ne dit jamais
assez, mais un véritable raffinement sensuel, la chair humaine
étant considérée par eux comme un mets délicat. Celle des blancs
heureusement n’est pas recherchée par eux; ils s’en abstiennent
sous prétexte qu’elle a un goût différent, qu’ils attribuent à l’u sage
du sel. Un chef vitien qui provoque son ennemi au combat
ne se borne pas à le menacer de le tuer et de détruire son village,
mais bien de le manger, et s’il est vainqueur, il exécute sa menace
à la lettre. C’est ainsi que Nakalassé. avait agi à l’égard de
Latchika, et antérieurement il avait mangé un chef vaincu par
lui , et pour en perpétuer le souvenir , avait changé son nom
contre le sien. Les femmes vitiennes seules ne mangent jamais de
chair humaine ; pour leur honneur, on doit penser qu’un pareil
aliment répugne à la sensibilité naturelle à leur sexe, et non pas
qu’elles en sont jugées indignes par leurs seigneurs et maîtres.,..
Les Vitiens ont une notion confuse de l’existence d’un être suprême
qui a tout créé, mais ils ne l ’adorent pas : il passe pour
avoir la forme d’un serpent et habiter certaines grottes. Ils reconnaissent
l’existence d’une douzaize de dieux secondaires qui ont
chacun des attributions séparées et des prêtres distincts. Quand
on veut les invoquer pour une maladie ou pour une cause quelconque,
on fait un présent au prêtre, qui s’en charge. Ceux-ci
paraissent avoir de l’influence et partagent le pouvoir en partie
avec les chefs. Les maisons des esprits qui existent dans chaque
village renferment non-seulement les armes qui y sont déposées
comme offrande, mais elles servent encore de magasin d’armes en
cas d’attaque par surprise; on reçoit dedans les étrangers ; beaucoup
d’entre elles ont été construites en accomplissement d’un
voeu fait par des chefs pendant des maladies ou toute autre calamité.
En i 835, deux missionnaires wesleyens des îles des Amis
vinrent s’établir à Laguemba, et, à la fin de 1837, l’un d’eux vint
s’établir sur l’île de Rewa ; mais ils ont fait jusqu’à présent bien
peu de prosélytes. Cette île, contiguë à la grande Viti) se trouve
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