du bord, sans rien sauver de leur moralité. En outre,
des désirs facilement satisfaits sont bientôt éteints.
Enfin, je sais que la présence des filles à bord des
navires est une sorte de garantie contre les intentions
hostiles des naturels , s’il leur prend envie d’en
concevoir.
En général les hommes sont mieux que les femmes,
ils s’accordent parfaitement avec les descriptions qui
ont été faites, et me rappellent bien les portraits des
chefs que M. Krusenstern a donnés dans son ouvrage.
Plusieurs d’entre eux annoncent la vigueur, la force
et même l’intelligence. Il est certain qu’ils doivent
occuper un degré élevé dans l’échelle des nations
polynésiennes, et je crois qu’avec de l’éducation et
de bons exemples, on pourrait en faire une peuplade
intéressante. Malheureusement, par suite de
leur contact avec les Européens, ils n’ont fait jusqu’ici
que perdre le peu de qualités qu’ils avaient,
et n’ont acquis que les vices de leurs hôtes. A la suite
de la civilisation, les maladies ont rapidement étendu
leurs ravages au milieu de cette population, et souvent
ces malheureux, couverts de plaies hideuses,
ignorant les moyens de se traiter, voient arriver la
mort dans les souffrances affreuses dont ils ont puisé
le germe dans les plaisirs des sens. Je dois dire cependant
que la majeure partie des maladies de ce peuple
est attribuée à d’autres causes.
Parmi les hommes à qui j’ai interdit sans exception
les accès du navire, il s’en présente u n , nommé
Opou-Vahiné, qui me frappe par la régularité de ses.
formes, la beauté de ses traits, et son intelligence.
Pour lui je lève la consigne et je l’admets à bord.
Il paraît très-sensible à cette faveur, et se comporte
très-décemment. Cependant il n’appartient qu’à la
classe moyenne de la société; du reste, aucun chef de
quelque importance ne s’est présenté à bord, lors
de notre arrivée. C’est ce que me dit Hutchinson,
dont j’obtiens encore les renseignements suivants
:
On n’avait point vu à Nouka-Hiva la frégate la
Venus ni entendu parler des missionnaires qu’elle
devait apporter. Le dernier bâtiment de guerre qui
y avait passé était la corvette le Vincennes, qui y avait
montré le pavillon des Etats-Unis trois ans auparavant.
En ce cas ce navire aurait paru deux fois dans
l’archipel Nouka-Hiva, car c’est encore le Vincennes
qui, en 1829, y apporta le missionnaire Stewart. Le
véritable chef de cette vallée aurait dû être Mouana
dont Stewart a fait mention. Mais les naturels n’ayant
point voulu écouter un missionnaire anglais qui
s’était établi dans cette baie sous la protection du
chef, Mouana avait pris le parti de quitter l’île avec
le missionnaire. En partant il avait menacé ses sujets
de venir avec un bâtiment de guerre menewe ( man-
of-war ) pour les tuer ou les faire chrétiens. Mouana
était parti depuis deux ou trois ans. On le croyait
pour le moment à Tàiti ou à Rotouma. Les dignes
Nouka-Hiviens, qui ne goûtaient pas du tout l’alternative
dans laquelle les avait laissés leur roi lors de
son départ, avaient grand peur de son retour. Aussi