distance de la mer nous trouvons encore quelques
traces de cultures et d’habitations aujourd’hui non
occupées, qu’entourent de beaux bosquets de cocotiers
et d’arbres à pin.
Au bord d’un petit champ de patates, je trouve un
individu de mauvaise mine, que j’aurais certainement
pris pour un sauvage dont il a la couleur, s’il
ne m’eût constamment répondu en anglais. Il se dit
natif de Rhode-Island (États-Unis), et depuis quelques
années il s’est établi dans l’île. Sans doute, il y
est arrivé à la suite de quelque' navire américain,
dont il n’a pas consulté le capitaine avant de l’abandonner.
Il me réitère l’assurance que les naturels sont
incapables de faire du mal aux Européens, et cependant
il ne se font aucun scrupule de manger tous les
Tai-Piis quijtombent entre leurs mains. lime raconte
même q ue, lors de son arrivée, il y a deux ou trois
ans, les habitants de Nouka-Hiva n’hésitèrent pas à
assommer un Américain établi depuis huit à dix jours
parmi eux, parce qu’il avait volé les patates d’un chef
puissant. Sur le moment, les cannibales se contentèrent
de manger l’oeil droit de leur victime et il enterrèrent
le corps ; mais deux jours après ils l’exhumèrent
et le dévorèrent en entier. Un navire de guerre
américain qui [passait quelques temps après l’événement,
envoya des soldats armés pour s’emparer du
chef qui avait été l’auteùr du coup, mais celui-ci put
s’enfuir dans les montagnes et par suite éviter toute
correction.
Nous franchissons ensuite une colline tapissée par
une belle et riche pelouse qui pourrait fournir d’excellents
pâturages pour des bestiaux, et nous rentrons
dans la vallée où se trouve la plus grande
partie des habitations. Les cases y sont disposées d’une
manière assez pittoresque, presque toutes sont entourées
de petits vergers clos de murailles. Quoique
petites, les maisons sont assez solidement bâties, le
plus souvent elles sont élevées sur de petites terrasses,
qui les mettent à l’abri des ravages que pourraient
leur causer les torrents d’eau de pluie qui doivent
descendre de la montagne par les temps d’orage. La
porte est généralement très-basse, quelquefois de petits
escaliers servent pour monter sur les terrasses,
souvent c’est une simple échelle assez mal construite,
ou même une pente rapide qui rendent encore l’accès
de ces plates-formes plus difficile. A l’intérieur on ne
remarque que quelques nattes en paille étendues
sur le sol ; deux poutres séparées par un espace de 1
mètre à 1"' 40 servent l’une d’oreiller, et l’autre d’appui
pour les pieds ; cet ensemble forme le lit de. toute
la famille, et compose tout le mobilier de la maison.
Enfin des corbeilles, des sacs, des vases en cocos, et
des nattes sont suspendus au plafond et le long des
murailles de la cabane.
Dans toutes les cases où nous jetons les yeux, nous
voyons les hommes étendus nonchalamment sur le sol,
et semblant ne connaître d’autres occupations que
celle de dormir ; les femmes sont chargées de tous les.
soins et tracas du ménage. Quelques-uns de ces sau^
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