prétendu esprit, donne son avis à haute voix sur [’entreprise
en question. Dans ce cas, l’opinion émise par
le nambetti sur l’expédition qui se prépare, est toujours
définitive, celle-ci aura lieu si le nambetti l’approuve;
mais si au contraire il la désapprouve, aucun
motif ne pourrait décider ces sauvages à l’entreprendre.
On conçoit dès-lors combien de puissance
de pareilles croyances mettent entre les mains des
prêtres ; toutefois je suis persuadé que parmi ceux-ci
la plupart sont de bonne foi, et que dans un moment
d’exaltation nerveuse, ils se croient réellement sous
l’impulsion d’une volonté extérieure qui serait dans
leurs idées, celle de ce prétendu esprit que, du reste,
ils ne cherchent point à définir. En cas de guerre, le
nambetti se mêle avec les guerriers et combat avec
eux comme un chef ordinaire.
En opérant mon retour vers Lebouka, le long de la
plage, je trouve encore trois ou quatre cabanes situées
dans un lieu bien ombragé et fort agréable.
Mais les habitants s enfuient à mon approche et il
n y reste qu un seul homme q u i, blessé à la jambe,
n avait pas pu suivre l’exemple donné par ses compatriotes.
La seule chose que j ’y remarque, c’est une
belle oie grise dont le bec noir est fort petit, c’est la
seule que j’aie vue dans toute l’île.
Sur la grève je rencontre un troupeau de cinquante
femmes environ et d’âges différents. Toutes sont munies
de petits filets a main dont elles se servent pour
pêcher leur nourriture quotidienne. A cet effet, elles
se réunissent et forment un grand cercle dans la mer
de manière à cerner le poisson qui paraît abondant
sur la côte. Toutes ces femmes paraissent très-gaies
et heureuses, elles poussent de longs éclats de rire
et de grands cris de joie, et semblent vivre entre elles
en bonne harmonie.
Les femmes semblent jouir d’une très-grande liberté;
leur vêtement consiste dans une simple ceinture
faite avec de l’écorce assez grossière mais bien
tressée, et qui laisse voir le bas du ventre. Cette partie
de leur corps ne présente aucune trace de tatouage,
tandis que leurs b ra s , leurs épaules et leurs reins
portent souvent les plaies non encore cicatrisées qui
proviennent de leur manière de se tatouer.
Les hommes ont l’habitude, à la mort d’un chef,
de se couper une phalange d’un doigt du pied ou de la
main, en signe de deuil ; il est vrai que l’on m’a assuré
que chez ces sauvages, cette mutilation est souvent
un objet de spéculation, attendu que les héritiers
du défunt paient à ces martyrs le sacrifice
qu’ils s’imposent.
Avant d’entrer dans le village de Lebouka, je remarquai
un morne élevé, et malgré une chaleur suffocante,
je me décidai à y grimper. Une vue magnifique
me dédommagea de mes fatigues. Au milieu
d’une mer dont la couleur marbrée indique la grande
quantité d’écueils que ses eaux recouvrent, on aperçoit
les îles nombreuses qui avoisinent Obalaou et
sur lesquelles vivent presque autant de tribus ennemies
les unes des autres. Au loin même la grande
île Vanoua-lebou élève ses cimes au-dessus de l’ho-
IV. S