n ’ont plus aujourd’hui de festins de chair humaine
que dans les grandes occasions, lors des funérailles
d’un chef de haute distinction. Les repas et les cérémonies
que vous avez vus hier et avant-hier, me dit-il,
ont pour motifs les relevailles des os d’un chef. Comme
à la Nouvelle-Zélande, cette cérémonie bizarre a lieu
au bout 2, 3 ou 4 ans, suivant les désirs des parents.
On se contente d’enterrer les gens du peuple.
lin naturel très-intelligent, nommé Manou-Mea,
vient à bord dans l’après-midi; il m’explique de manière
à ne me laisser aucun doute que la vallée qui
entoure le fond de notre baie, s’appelle Taio-Hio ou
Niou-Hiva, celle qui se trouve dans l’ouest, Tai-Hao,
et enfin la suivante est bien Ata-Taka. Toutes ces tribus
ainsi que les Hapas sont ennemies des Tai-Piis
auxquels sont alliés tous les peuples du nord de l’île.
Pafini est bien le nom de la soi-disant reine et notre
amie. Le vieux Reata-Noui du temps de Porter est
effectivement son grand-père. C’est donc bien cette
femme qui figure dans le récit du capitaine américain
et qui doit aujourd’hui avoir une quarantaine d’années.
Les naturels par leurs communications fréquentes
avec les Américains, ont introduit dans leur langue
usuelle une grande quantité de mots anglais dont la
prononciation est entièrement défigurée. Aussi bientôt
on ne trouvera plus de ces indigènes parlant encore
correctement le langage de Nouka-Hiva. Je me
suis cependant procuré un grand nombre de mots
nouka-hiviens, grâce au concours de M. Desgraz qui
s’est chargé de cette mission délicate, et qui s’en
acquitte avec beaucoup de zèle et un plein succès. Ce
jeune homme comprend tout l’intérêt qui peut se
rattacher à ce genre de recherches, et il est parfaitement
au courant de la prononciation polynésienne et
surtout du mode que j’ai adopté pour avoir une orthographe
uniforme.
Les filles de Nouka-Hiva après avoir boudé les jours
passés les matelots de Y Astrolabe, se hasardent à
venir nous visiter aujourd’hui au nombre de dix à
douze, mais comme c’est le rebut de la Zélée et des
baleiniers, et en général les plus laides, elles sont
froidement accueillies par nos marins; il en résulte
que la nuit se passe tranquillement, et cet essai, je
l’espère, servira à les dégoûter tout-à-fait.
J’avais remarqué que ces jeunes filles ne se hasardent
jamais à aller à la nage à bord des navires, que
par troupes nombreuses et toujours en causant d’une
manière bruyante et en agitant l’eau par de grands
mouvements. Hutchinson m’explique cette conduite
en m’assurant que les requins sont très-abondants
dans la baie, et qu’il faut beaucoup de bruit pour
mettre en fuite ces poissons dangereux qui pourraient
attaquer les nageuses si elles s’aventuraient seules ou
silencieuses sur les eaux de la mer.
Pour bien expliquer cette espèce d’isolement dans
lequel était restée Y Astrolabe au milieu de toutes ces
sirènes avides de prodiguer leurs faveurs, je dois
rapporter un fait qui, arrivé le second jour de notre
relâche, acheva de m’attirer la haine et les malédic