min , j ’avais atteint la demeure modeste et presque misérable de
M. Rodgersou , et j ’y recevais un accueil cordial.
Ce missionnaire occupe ce poste depuis peu de temps. 11 était
auparavant dans les îles Nouka-Hiva, à Taouata-, mais n’ayant,
pu parvenir à aucun résultat satisfaisant, il est revenu à T a ït i,
où il demeure depuis un an , et ne s’y est décidément fixé qu’à
la retraite du précédent missionnaire de Papaoua. M. Rodgerson
me donna plusieurs renseignements sur les Noukahiviens, qu’il
a eu le temps de connaître pendant un séjour de trois ans parmi
eux. Un seul missionnaire , M. s’y trouve encore , persévérant
toujours malgré le peu de succès qu’il a obtenu, et ayant
de nouvelles difficultés à vaincre depuis l’arrivée de deux missionnaires
catholiques qui y ont été déposés par la Vénus.
M. Rodgerson craint beaucoup que les deux missions ne s’entre-
cohtrarient et n’ajoutent aux difficultés de l’entreprise. Le caractère
guerrier des insulaires, leur penchant au v o l, leurs moeurs
libres , supportent difficilement les entraves religieuses. Les missionnaires
ont eu beaucoup à souffrir pendant leur séjour parmi
eux. M. Rodgerson a eu sa maison incendiée par les naturels ;
d’autres fois, il'était obligé d’aller chercher des fruits-à pain dans
les tribus voisines pour subvenir à la nourriture de sa famille
parce que les naturels de la baie où il était établi ne voulaient
pas lui en fournir. Une fois entre autres, ces privations furent
d’autant plus pénibles que madame Rodgerson était sur le point
d’accoucher, et qu’il fut obligé de la nourrir pendant cette époque
critique avec une nourriture grossière et difficile à obtenir.
Ses livres ont été volés pour faire des cartouches, ses meubles ,
les robes de sa femme, tout ce qui pouvait tenter les naturels,
était enlevé peu à peu. L ’éloignement des naturels pour les missionnaires
était extrême ; cependant jamais ils n’ont eu à souffrir
de voies de fait, quoiqu’on les insultât souvent et que des troupes
de jeunes gens vinssent quelquefois les menacer et se moquer
deux aux environs de leur maison.
Il paraît même qüe les femmes des missionnaires avaient tenté
plusieurs chefs ou guerriers, et que des débats désagréables
avaient eu lieu. Les Noukahiviens voulaient agir d’après leurs
usages et devaient trouver fort curieux qu’on ne s’y soumît pas.
Pour mettre fin à ces épreuves, qui n’aboutissaient à aucun
résultat, les missionnaires mariés se sont retirés ; M. *** a persévéré
: étant célibataire, il avait moins de désagréments à essuyer.
M. Rodgerson me donna encore quelques renseignements sur
les Noukahiviens, dont voici les principaux :
Différentes classes divisent la population noukahivienne ;
dans quelques-unes, ils se succèdent de génération en génération,
et semblent former des castes. Voici les principales classes :
Kakaiki, classe la plus élevée, celle des chefs.
Atepeiou, classe la plus élevée parmi les femmes.
Moa, classe d’hommes taboués dont l’office est de présenter
les sacrifices aux divinités.
Touhonna, classe d’individus qui ont un pouvoir occulte : ils
donnent des remèdes aux malades , et sont appelés surtout dans
les maladies graves. C’est aussi le nom de ceux (peut-être de la
même classe ) qui ont quelque industrie pratique, comme de
construire des maisons et surtout des pirogues.
Nati-Kafia, classe des sorciers, conjurateurs, etc.
Taouas, classe d’individus qui deviennent des divinités après
leur mort, qui sont inspirés par les esprits des hommes de leur
classe déjà morts, et qui peuvent alors indiquer les causes des
calamités qui affligent la population et annoncer principalement
aux chefs, que des calamités les menacent.
Peio-Pekeio, classe de personnes qui vivent avec les chefs et
remplissent des fonctions serviles.
Averia, classe des pécheurs.
Hoki, classe d’hommes qui voyagent en cherchant à acquérir ;
chanteurs, espèce de troubadours nomades, etc.