Août.
1838. ment de repos, guidé par le bruit des musiciens, je
me rapproche, et voici ce que je vois.
On déterre d’abord quatre beaux cochons cuits
au four à la mode des sauvages. Ce sont les apprêts
du repas obligé qui doit accompagner chaque cérémonie
nouka-hivienne. Plusieurs individus de l’assistance
montent successivement sur l’estrade pour
frapper sur les tam-tams et réciter quelques paroles
à haute voix, tandis que cinq ou six vieillards, accroupis
sur la plate-forme, paraissent très-occupés à
planter leurs doigts dans le popoi pour les sucer ensuite.
Le popoi est une préparation de fruits à pain
légèrment fermentés et réduits à l’état d’une pâte
blanche que renferment de grands vases en bois.
Bientôt nous voyons un naturel portant sur sa
tête un casque ou diadème en plumes de coq, ayant
au moins trois mètres de circonférence. Il est
enveloppé dans un grand drap blanc qui lui descend
presque jusqu aux talons. Sorti d’une case sur la
hauteur voisine, il s’avance gravement et avec un
air de majesté vers le lieu de la scène, il monte sur la
plate-forme et commence à frapper sur les tam-
tams. A l’attention plus marquée que les naturels
portent à ce nouvel individu, je juge que ça doit être
un chef de quelque importance et peut-être même
le président de la cérémonie qui se passe sous nos
yeux.
Les cochons sont ensuite dépécés et distribués
entre les personnages les plus importants. On m’en
présente un morceau ainsi qu’à M. Jacquinot et à
quelques officiers de nos états-majors. Mais le peu
de confiance que nous ajoutons a la propreté des
cuisiniers nouka-hiviens , fait qu’il se rencontre peu
d’amateurs parmi nous. Rien du moins ne peut
vaincre ma répugnance à manger, qu’un morceau de
fruit à pain, que du reste je trouve assez bon.
Il n’est guère encore que deux heures et demie,
mais étourdi par cet ennuyeux bruit de tam-tam,
et surtout fatigué par les rayons d’un soleil ardent,
je quitte la partie et je me décide à retourner à bord.
Sur ma route j’aperçois une case abandonnée sur le
versant d’uu coteau qui domine la plage. Pensant
que ce pouvait être un mordi abandonné, je m’en
approche et je reconnais bientôt que j’ai deviné juste.
Sous un hangar se trouvent quelques supports formant
, à 2 mètres au-dessus du sol, une estrade
sur laquelle est déposé le toui-papao. C’est le nom
que les naturels donnent au cadavre enveloppé
d’herbes et de tapa ( étoffes de papyrus faites dans le
pays). On n’aperçoit du corps ainsi habillé que les
extrémités des doigts des pieds et des mains. Aux
alentours et près du cadavre sont suspendus en
abondance, des guirlandes de fruits de pandanus,
quelques poissons, une mâchoire de cochon, et des
rouleaux de tapa. Ce sont sans doute des offrandes ou
des provisions pour le défunt.
Je crois que ces monuments funéraires sont entretenus
et les offrandes renouvelées pendant un temps
dont la durée dépend du rang du défunt et des
regrets qu’il inspire. On finit toujours ensuite par
IV. 3
Aoot.
1838.