contre eux; mais un chef influent nommé Tounha-
hola, prit leur défense et les protégea. Du reste, ils
n ont fait aucun progrès. Tels sont les renseignements
que M. Thomas avait recueillis dans un voyage
qu’il venait de faire sur l’île Niouha-foho (île Proby
d Edwards), dont le chef Georges Fota-fai avait embrassé
le christianisme. M. Thomas partait le jour
meme où le Comcay arrivait.
Les deux missionnaires ne voyaient pas sans inquiétudes
leur traversée future à Lefouga sur une
pirogue du pays. Je leur offre de les y transporter sur
Y Astrolabe-, cela me procurera du reste l’occasion de
jeter un coup d’oeil sur les îles Ilapai, qui n’ont jamais
été visitées par les Français. Je pourrai aussi, je
l’espère, m’y procurer un pilote pour les îles Yiti. Il
n’est pas besoin de dire que mon offre est acceptée
avec transport, et le départ est fixé au surlendemain
9 octobre.
Nous nous rendons ensuite chez M. Broocks, dont
l’habitation, beaucoup plus spacieuse, contient aussi
l’imprimerie où se publient, sous sa direction, tous
les ouvrages de la mission. Sa femme, qui est encore
toute jeune et fort agréable, nourrit un petit enfant.
Ce couple intéressant semble jouir, dans son intérieur,
du véritable bonheur qu’il fait partager à ceux qui
l’entourent; car j ’ai cru remarquer que les naturels
semblent craindre M. Thomas, mais que leur affection
est pour M. Broocks, dont ils reconnaissent la
bonté, la douceur et l’esprit d’humanité.
M. Thomas nous conduit au cimetière (fai-toka ou
Langui) du dernier des Finau, où sont aussi inhumés
quelques-uns des enfants des missionnaires. Sous
l’empire du christianisme, ces lieux jadis tabous ont
cessé d’être entretenus avec cette minutieuse propreté
qui les caractérisait jadis; les ministres du
culte réformé me paraissent attacher trop peu
d’intérêt aux restes de leurs premiers amis décédés.
Comme je témoigne le désir de faire ma visite à
Tahofa, chef de l’île, M. Thomas m’accompagne à la
demeure royale. Elle est pour le moment fixée dans
une case assez propre, mais assez mesquine. La maison
du roi ayant été emportée 18 mois auparavant
par un violent ouragan qui ravagea toute l’île, sa demeure
actuelle n’est que provisoire, et on lui bâtit
un palais qui sera digne du rang qu’occupe ce prince
sauvage.
Tahofa-hao est un grand et bel homme de 30 à
40 ans ; sa figure est sérieuse et ne manque pas de
dignité. Sa femme Loubé, âgée de 25 ans au plus, a
une figure agréable, des manières simples, et elle
serait même assez jolie si elle n’était pas chargée d’un
trop fort embonpoint. Ils nous reçoivent avec politesse
dans une salle boisée où se trouvaient seulement
deux ou trois chaises.
Tahofa, que les Anglais ont surnommé King-George,
est fils adoptif du Houla-Kai de Tonga-Tabou; il appartient
à la famille des Finau. Sa femme, surnommée
de son côté queen-Salote (reine Charlotte), appartient
à la race antique des Feta-Fei. Avec eux vit