s’élève dans le genre du peuplier, un peu en évantail, et sa tige
grêle et mince ressemble à celle des pins. Je revis aussi beaucoup
de tia-iri. Les naturels l’appellent aussi tôutoui, mais je croirais
plutôt que cè dernier nom s'applique à là teinture violette qui découle
du trotte quand ott l’écorche. Cette teinture leur sert pour
teindre les manches de leurs armes et les bois de lances ; elle devient
très-foncée et pour ainsi dire noire. Nos guides nous le
firent voir eh passant près des cases que noüs rencontrâmes sur
lè chemin. Nous vîmes des orangers et des citronniers magni-
fiqués dont la haute taille notis surprit; car les missionnaires
nous apprirent qu’ils avaient été importés par le capitaine anglais
Blig en 1789 ou Ï790. Il y avait deux espèces de citrons,
de petits a peau fine et lisse, et de gros, ovales, à peau épaisse, de
vrais limons en un mot.
Le sentier que nous suivions traversait, comme je l’ai déjà dit,
des bois de goyaviers, entrelacés çà et là d’arbres à pain, de vihi,
de cocotiérs, etc. Nous traversâmes bientôt la rivière, et de ce
moment nous la côtoyâmes continuellement, tantôt d’un bord ,
tantôt de l’autre, et, quelquefois dans son lit même.
Le sentier était réellement charmant, au travers des fourrés
d’arbres dont les branches et les racines entrelacées formaient
des voûtes et des barrières impénétrables au jour. C’était surtout
l’arbre appelé par les naturels pouzao (Hibiscus tiliaceüs) qui
nous obligeait souvent à marché* presque à quatre pattes sous le
feuillage de Ces branches qui ressemblaient à des racines entrelacées.
C’estun arbre d’un port étonnant, les branches sont basses,
descendent à terre pour se relever ensuite et forment ainsi un vrai
labyrinthe ; le feuillage ressemble à la feuille du tilleu l, il porte
une grande fleur jaune comme les mauves. Nous fûmes bientôt
hors des habitations, entrant dans une belle vallée dominée de
tous côtés par de grandes montagnes entièrement couvertes d’une
végétation qui les rend pour ainsi dire inaccessibles. Cette vallée
que les Taitiens appellent Deïneha, est celle que parcourt la rivière
de Cuatavere qui descend des montagnes, entourant le pied
de l’Orena. A mesure que nous avancions elle se rétrécissait-
les montagnes semblaient grandes devant nous ; de temps en temps
sur les penchants escarpés,du milieu des bois, s’élancaiènt tout à
coup un petit palmier balancé par la brise, ou les longues feuilles
du bananier ; de belles fougères croissaient au milieu des massifs
de tufs et de basaltes. On ne voyait nulle part le rocher à nu si,
ce n’est dans le lit de la rivière qui était encombré de cailloux
roulés provenant des montagnes. Il régnait une fraîcheur délicieuse.
Les hautes montagnes nous masquaient le soleil qui se levait
quand nous débarquâmes sur la plage.
Nous vîmes de fort jolis oiseaux peu farouches, voltigeant çà
et l à , entre autres un petit gobe-mouches tout noir, de gracieuses
perruches d’un bleu azuré, des tourterelles ressemblant beaucoup
àcelles de Nouka-Hiva, vertes et jaunes ; et quand nous fûmes un
peu plus avancés dans la vallée, nous vîmes des volées de paille-
en-queue (phaéton), qui viennent se nicher sur les sommets déserts
des montagnes.
Nous fîmes une halte au milieu même de la rivière, sur un
gravier composé de gros cailloux volcaniques et des troncs d’arbres.
Le dessinateur prit un croquis de l’endroit. Déjà derrière
nous la vallée s’était refermée; un de nos guides nous fit du feu
à la manière des Taïtiens, en frottant sur un morceau de bois sec
et tendre avec un autre morceau plus petit et taillé en lame : au
bout de 4 à 5 minutes, le premier morceau de bois qui avait
formé le frotteur, prit feu. Nous fumâmes une pipe. Nos guides
allèrent nous chercher des cocos q u i, rafraîchis par la rosée de la
nuit et n’ayant pas encore reçu les rayons brûlants du soleil,
étaient réellement1 délicieux. Pendant que l’artiste faisait son
croquis, le docteur et moi nous ramassâmes quelques 1 coquilles
fluviátiles et des petits poissons ; nos guides se mirent
aussi à en chercher et ils nous en apportèrent des provisions;
l’un d’eux avait pris une grande écrevisse, armée de deux
IV. 21