bandes rouges très-commune dans le pays. Mais c’est .dans l’arrangement
et l’harmonie de la coiffure que gît toute la coquetterie
vitienne, qui ne le cède point à celle de nos abbés de cour ou
petits-maîtres d’autrefois. En voyant ces cheveux tantôt crêpés
en ballon , tantôt roulés en canons symétriques, sous forme de
turban ou de perruque à marteaux, cette coiffure poudrée à
blanc ou rougie par des infusions d’écorce dans l’huile de coco,
on croirait avoir sous les yeux une parodie des assemblées de
vieux magistrats ou médecins. Il serait trop long d’énumérer les
formes bizarres que les fashionables vitiens donnent à leur coiffure,
mais ici les hommes faits n’abandonnent point à la jeunesse
le sceptre de la mode : les jeunes gens ont tous une zone de la
tête tondue jusqu’au-dessus des oreilles, tandis que le haut de
la tête est couvert de cheveux roux et bouclés naturellement en
longues mèches. La coiffure des femmes e s t , en général, soumise
aux mêmes règles, si ce n’est que leurs cheveux sont teints d’une
couleur rouge lie de vin .
Le beau sexe est ici moins séduisant que dans les autres parties
de l’Océanie : les femmes sont petites et très-laides ; leur physionomie
se l’approche davantage du type nègre que celle des hommes,
quoique leur peau soit moins basanée. Une ceinture en paille
tressée de diverses couleurs couvre leurs parties génitales; un collier,
quelques bracelets en coquillages, complètent leur parure.
L ’huile de coco et tous les enduits gras sont très-employés par
tous les naturels pour se lustrer la peau et la garantir des piqûres
des insectes. Mais les Vitiens ne se contententent pas de tous ces
artifices de la coquetterie : ils emploient tour à tour le noir de
fumée, la chaux et toutes les peintures qui peuvent leur tomber
sous la main, pour se barbouiller au front, au visage et sur la
poitrine. Nos déguisements du carnaval enfantent à peine des figures
aussi hideuses que celles qu’on voit ic i__
La cérémonie paraissant terminée, nous comptions nous retire
r, lorsque Tahanoa engagea les deux commandants à venir
dans sa case. Nous nous répandîmes alors dans le village pour
visiter les cases et tâcher de nous mettre en contact plus intime
avec les naturels. Nous recherchions avec empressement leurs
armés, leurs poteries et les autres produits de leur industrie,
qui est, sans contredit, supérieure à celle des Polynésiens, malgré
l’espèce de défaveur qui est attachée à tout ce qui lient aux
races plus foncées en couleur. Le fait seul de la fabrication des
vases en terre vernissée, de toutes formes et de dimensions qui
atteignent celles de nos plus grands vases, annonce, de la part
des Vitiens, une industrie au moins égale à celle des peuplades
qui n’ont pas su comme eux pétrir l’argile, lui donner une forme
et de la consistance par la cuisson. On peut même soutenir que
cette industrie, en tant qu’elle n’embrasse que la simple poterie en
terre la plus commune, est aussi avancée dans ce pays qu’en Europe
même. Il ne manque aux Vitiens qu’à varier un peu la
forme de leurs vases pour les approprier aux besoins de la vie.
Ainsi leurs plats et leurs assiettes son encore de petits baquets ou
des plateaux en bois dur, assez gentiment sculptés. J’ai vu un de
ces vases dont un petit compartiment servait à mettre le sel ; ce
■qui prouve déjà que les cannibales n’ont pas pour les aliments
salés la même répugnance qu’on leur avait d’abord supposée. Les
plats à kava, les petites auges pour la manipulation des compotes
de fruits et des émulsions de lait de coco sont toujours en bois,
tandis qu’il serait plus convenable de les faire en terre vernissée.
Les grandes jarres destinées à faire bouillir le taro, les ignames,
les bananes, les quartiers de cochon et le poisson enveloppés de
feuilles, sont installées sur le foyer, et accorées par des cailloux
dans une position inclinée......
Tous les quartiers du village de Pao furent bientôt envahis
par nos curieux et nos marchands ; mais il en est un dont nous
ne pûmes franchir l’enceinte, qui est sacrée ou tabou pour les
sauvages : c’est une petite élévation entourée de grandes pierres