1888.
Octobre. de noire arrivée. Après avoir attendu un instant ils
nous reçoivent avec politesse , nous expriment
leur reconnaissance pour les soins que nous avions
donnés à nos passagers, et ensuite ils nous offrent un
verre de vin de Porto. Comme leur dîner est tout
servi sur la table, je me lève pour me retirer.
M. Thomas nous donne Seteleki pour nous piloter.
En bon chrétien il nous conduit en premier lieu à
l’église, qui est proprement tenue, mais qui ressemble
à toutes celles que j’ai déjà visitées, sur les îles
Taïti, Samoa et Yavao.
Nous nous rendons ensuite à l’habitation de Tahofa-
Haou qui nous paraît très-agréable et bien aérée. A
quelques pas de là, se trouvait dans ce moment en
réparation une grande pirogue du roi. Un grand nombre
d’ouvriers y travaillaient avec ardeur, et le gouverneur,
vieillard à tête blanche, présidait lui-même à
cette opération, animant parfois les naturels occupés
à cette oeuvre. Les outils dont ils se servaient étaient
de simples morceaux de fer plats emmanchés en guise
d’herminettes, commes les anciennes haches qu’ils
construisaient jadis avec des morceaux de basalte,
lorsque le fer leur était inconnu.
Le gouvernement de Tahofa-Haou s’étend sur le
groupe entier des îles Hapai; les terres principales de
cet archipel sont gouvernées par des chefs particuliers
qui relèvent immédiatement de l’autorité royale.
Haano, qui après Lefouga est de toutes ces îles la
plus importante, obéit à un fds de Toui-Tonga
nommé Hou-lao. Namouka ne compte au plus que
400 à 500 habitants ; les îles Hapai sont généralement
fort petites et plusieurs sont inhabitées. Tofoua reconnaît
aussi l’autorité de Tahofa-Haou ; celui-ci me
confirme l’existence sur cette terre d’un volcan en activité,
mais il ignore sur quel point de la côte il se
trouve ; il ne sait même pas me dire si elle est habitée.
,
Tout en suivant notre guide, nous passons près du
langui (sépulture) d’un vieux Toui-Tonga, aujourd’hui
abandonné et presque entièrement couvert de
mauvaises herbes. J’éprouve un véritable sentiment
de tristesse à voir combien les nouvelles croyances
adoptées par ces peuples ont rapidement fait disparaître
parmi eux ce respect pour les morts, qui jadis
caractérisait ces insulaires et les relevait aux yeux
des nations civilisées. C’est sous le poids de ces tristes
idées, que nous arrivons à la demeure d’un des amis
de Seteleki. Une franche hospitalité nous y attend, et
aussitôt arrivés on nous offre le kava. Suivant mon
habitude je remercie et je demande un coco que notre
hôte envoie chercher aussitôt.
Une société nombreuse de naturels nous entoure,
et parlant entre eux de mes anciens combats à Mafan-
ga, ils semblent discuter avec chaleur. Cherchant à
deviner le motif de ce débat, j ’interroge Seteleki;
il me dit que la difficulté de reconnaître entre
M. Jacquinot et moi la différence des rangs, était la
cause de cette dissidence. En effet, M. Jacquinot avait
de belles épaulettes neuves, une casquette et une redingote,
tandis que moi je ne portais qu’un chapeau