Avant l’introduction du christianisme, les jeunes^
filles jouissaient d’une entière liberté et disposaient
de leurs charmes suivant leurs caprices, mais une
fois mariées elles étaient obligées à la fidélité envers
leurs maris, et il y avait peine de mort pour
la femme adultère. Les hommes avaient autant de
femmes qu’ils pouvaient en nourrir, et Pea, quoique
se disant chrétien, en a encore aujourd’hui deux très-
jeunes, seulement il les tient dans des cases séparées..
Une trentaine de baleiniers anglais et américains
fréquentent annuellement ces îles et y font la pêche
du cachalot. Ils viennent se ravitailler soit au port
d’Àpia, soit à celui de Pango-Pango. Cette dernière
baie se trouve sur la bande sud de l’île Tou-tou-
ila, et lors de notre passage la veille, nous avons,
vu son entrée.
Il y a cinq ou six ans que deux naturels qui, sur
un navire baleinier, étaient allés à Sydney et là avaient
vu les cérémonies religieuses des Anglais, se mirent
dans la tête de fonder une nouvelle religion dans leur
patrie; et ils comptèrent bientôt de nombreux prosélytes.
Rien n’était plus simple que leurs rits ; ils se
bornaient à se1, rassembler une fois par mois, le
jour de la pleine fune, dans une chapelle destinée à
cet usage. Là, ils adressaient quelques chants à
l’Être Suprême, puis tout se terminait par un repas
commun, après lequel chacun se retirait. Cette
religion n’imposait aucun acte obligatoire quelconque;
sa simplicité, en un mot, surpassait encore
celle du culte anglican. Les missionnaires qui ont:
trouvé les naturels adorant un seul Être Suprême,
n’ont pu les traiter d'idolâtres, mais ils appellent
païens et hérétiques tous les habitants qui, jusqu’ici,
ont conservé leurs croyances. A Apia même, ces
derniers ont une chapelle remarquable par sa propreté,
et qui n’est pas à plus de 300 pas du lieu où
se rassemblent les chrétiens.
La journée est très-belle, et plusieurs officiers en
profitent pour aller courir les bois. Souvent ce sont les
naturels eux-mêmes qui les guident, et sans qu’il arrive
aucun événement fâcheux. Seulement trois ou
quatre maraudeurs de la Zélée se sont avancés jusqu’au
village de Falé-Ata, sous prétexte d’aller chercher
des provisions; là ils ont eu une querelle avec les
naturels. Il est impossible de s’assurer d’où viennent
les premiers torts, aussi je me borne à prier M. Jac-
quinot de prendre des mesures pour restreindre les
courses de ses hommes aux environs de la baie. Il est
difficile en effet de faire comprendre aux matelots que
les sauvages sont des hommes dont il faut respecter et
les propriétés et les usages, ils se croient tout permis
comme s’ils se trouvaient dans des pays conquis, et
cette conduite peut souvent amener des résultats très-
fâcheux.
Vers deux heures et demie, je descends à terre, accompagné
par Frazior, je parcours les bois dans tous,
les sens, tirant des ramiers qui vivent dans ces forêts,
en grand nombre. Malgré l’ardeur du soleil, les magnifiques
arbres de cette île offrent de délicieux ombrages.
Partout les naturels s’empressent pour quel26.