vages, sans se déranger, nous invitent à entrer et à
prendre place à leurs côtés, mais le plus souvent ils
se contentent de nous regarder d’un air indifférent,
sans daigner se déranger de leur position.
Nous reconnaissons dans plusieurs de ces habitations
quelques-unes des jeunes fdles qui avaient passé
la nuit à bord des corvettes. Elles ont l’habitude dé
s’envelopper dans des nattes enduites de poussière
de curcuma, qui teignent leur corps en jaune et
lui communiquent une odeur très-forte et assez désagréable.
Ces femmes attachent un grand prix à ce
complément de toilette, non-seulement à cause des
parfums assez nauséabonds qui en sont la suite, mais,
encore parce que la poussière de curcuma passe pour
donner à la peau beaucoup de souplesse et de poli.
Notre promenade nous conduit encore devant l’habitation
du chef Nia-Hidou. Cette fois nous le trouvons
occupé à déjeûner à l’ombre d’un bel Hibiscus; il est
entouré de ses femmes et de ses gens; il semble bien
plus rassuré que la veille et il nous offre poliment
quelques patates douces auxquelles nous goûtons.
M. Goupil même a déjà commencé le portrait de ce
chef qui laisse toute liberté à cet égard à notre zélé
dessinateur. Je vais ensuite jusqu’à l’habitation de
Hutchinson, et je me repose quelques instants sous
sa cabane; je la trouve semblable à toutes celles que
j ai déjà visitées. Cependant elle est un peu mieux emménagée,
et parmi les objets suspendus à ses murailles,
j ’en remarque quelques-uns de fabrique européenne.
Hutchinson venait de m’offrir une arme provenant
de l’île Houa-Poou, et je le gratifie en retour
d’un verre d’eau-de-vie dont il est très-friand. Sa fille,
âgée de 8 à 10 ans, le voyant savourer avec délices
ce nectar inconnu pour elle, le supplie instamment de
le lui faire goûter ; mais Hutchinson lui observe qu’elle
mourra infailliblement si elle boit après ce tabou-tabou
( en me désignant ainsi comme un homme élevé
au plus haut degré). La jeune fille me regarde alors
avec effroi, et dès-lors elle refuse avec persistance ce
qu’elle désirait si vivement un instant auparavant.
Mes invitations pressantes, les signes d’amitié par
lesquels je cherche à la rassurer, rien ne peut vaincre
sa répugnance à cet égard.
De la case même de notre Américain, on aperçoit
à travers l’ouverture de la baie, les sommets de l’île
Houa-Poou. Cette circonstance me suggère l’idée de
le questionner sur l’existence de l’île Tiberonnes.
Hutchinson m’assure, sans hésiter, que les habitants
de Houa-Poou avaient connaissance de cette île, et
qu’ils allaient même quelquefois la visiter. Sur leur
rapport, il affirme que cette terre est haute, et que
sur toute sa côte on ne trouvait qu’une petite plage de
sable où les canots peuvent accoster quand le temps
est beau. Il n’y a en ce moment qu’un seul naturel
qui y a été abandonné par quelque pirogue de sauvages.
Les naturels n’estiment la distance de Houa-
Poou que de 50 lieues environ, ce qui pour eux représente
une journée et demie de navigation.
Rentré à bord de la corvette, mon maître d hôtel