comme aux Samoa, la cloche, s’étant fait entendre, T h é o -
doro me demanda la permission de me quitter pour se rendre
avec sa femme a 1 office divin. L ’un et l’autre quittèrent alors
les colliers dont je leur avais fait présent, craignant sans
doute la censure du prédicateur en se présentant ainsi dans le
temple.
Je les y accompagnai pour satisfaire la curiosité que m’inspirait
leur cérémonie. Déjà le prédicateur était en chaire, expliquant
aux fidèles un passage de la B ib le , d’un air grave, froid et composé,
peu fait, a mon avis, pour persuader des hommes moins
disposés à croire que ces indigènes, mais parfaitement adapté à
l’austérité de leur culte. L ’homme qui remplissait alors les fonctions
de ministre, était un des indigènes de Vavao plus anciennement
convertis que les autres, que les missionnaires emploient
avec tant d’avantage comme instructeurs sous le nom de teachers.
Ces postes ne sont remplis, comme on doit le penser, que par les
néophytes les plus ardents, qui dépassent toujours, par leur austérité
et leur rigorisme, leurs maîtres, quelque sévères qu’ils
soient. T o u t , dans la tenue et dans les manières de ce jeune ministre,
indiquait un de ces hommes. Son débit monotone, l ’immobilité
de son regard et ses gestes mesurés portaient à penser
qu il eût craint, en agissant autrement et en mettant plus d’ame
dans ses exhortations, de manquer aux règles sévères de la décence.
Quand à sa lecture succédait la prière et le chant des cantiques,
hii-méme entonnait ces chants et commençait la p rière,
les yeux fermés, le corps immobile, sur un ton monotone et glacial
auquel répondaient ses paroissiens. Ceux-ci, agenouillés autour
de la chaire, cherchaient à imiter le ton et l’air recueilli du
pasteur; les enfants et les femmes elles-mêmes, bien différentes
de celles de T a ïti, se contraignaient au point que c’est à peine si
quelques-unes d’entre elles levaient les yeux de dessus leur livre
pour jeter un regard à la dérobée sur les étrangers, qui, partout
ailleurs, auraient tant excité leur curiosité. Ne comprenant rien
de ce qu’ils disaient, je m’agenouillai pendant quelque temps
comme eüx pour les ohserver sans causer de scandale; mais fatigué
de ces chants monotones et de ce puritanisme que j ’étais loin de
regarder comme la vraie religion, je quittai ces lieux sacrés plein
d’admiration pour la dévotion des indigènes, mais regrettant pour
eux qu’on lui eût donné une telle direction. Le temple n’était distingué
des autres habitations que par sa grandeur et par le soin
de la charpente et des attaches qui en réunissaient les diverses
parties, dont l’élégance était remarquable. Non loin de là, en revenant
à b o rd , je passai près du cimetière de ces indigènes.
Plusieurs petits hangars de forme ronde étaient réunis sur un petit
plateau dont le sol, nivelé et sablé, était entretenu avec la plus
grande propreté. J’appris que chacun d’eux couvrait une tombe.
Depuis l’introduction du christianisme dans ces îles , rien n’a été
changé dans le système d’inhumation des morts, à part les cérémonies
religieuses. Les cimetières , appelés malaï, ont toujours
la même apparence extérieure : aucun signe religieux ne les indique,
mais ils sont toujours l’objet du respect le plus profond
des naturels.
(M . Dubouzet.)
Note 2 8 , page 148.
Entre l’île Longue et Vavao une dernière bordée nous fit doubler
la pointe N. E. de l'île Longue. On en passe si près que le
seul ressac des eaux nous soutint quelques instants à cinq ou six
toises de distance des rochers taillés à pic ; mais cette manoeuvre
hardie nous fit gagner du temps , et il ne nous resta plus qu’à
prolonger la bordée du sud pour apercevoir vers le N. E. une
nouvelle passe qui conduit à la baie de Vavao........
Les missionnaires catholiques se sont présentés à Vavao à tort,
ce nous semble, puisque la place était occupée par les méthodistes.
Ceux-ci ont reçu leurs confrères avec des dehors assez