Le tabou règne aux îles Yiti dans toute sa rigueur:
comme aux îles Tonga, lorsque le prêtre est consulté
dans les grandes occasions, le nambetti a besoin, pour
faire entendre la voix de l’Esprit ou dieu, d’être inspiré
par lui ; après s’être recueilli un instant, le prêtre paraît
être dans une grande agitation, il tremble, jette
des cris perçants, se roule sur le sol. Puis revenant
à lui par degrés , il communique aux assistants la volonté
de l’Esprit qui est en lui. Si bien souvent les
prêtres doivent abuser de leur caractère pour faire
croire à une inspiration surnaturelle qu’ils n’ont pas,
je suis persuadé que souvent aussi ils sont réellement
de bonne foi. Dans certains cas, une sueur froide
mouille le front du nambetti, il éprouve une véritable
crise nerveuse qui le jette dans le délire pendant
lequel il prononce souvent des paroles incohérentes
q u i, recueillies avec soin par les assistants, sont ensuite
commentées à leur façon.
Dans les cas de maladies, les prêtres jouent encore
un grand rôle : le malade les fait appeler et les charge
d’aller porter une offrande dans la maison de l’Esprit,
afin d’en obtenir sa guérison ; au cas de mort l’offrande
appartient à l’envoyé, mais il est rare que le
malade attende patiemment la mort à la suite des
souffrances. Lorsque le prêtre déclare qu’il ne croit
plus à la guérison, le malade prie les personnes de sa
famille de lui aider à quitter le monde d’une manière
convenable. Dès-lors, on le transporte dans une fosse,
on l’y place accroupi dans la position que l’on donne
aux morts pour les enterrer , et ensuite on le couvre
de terre de manière à ne laisser que sa tête en dehors,
puis on l’étrangle pour terminer ses souffrances. On
immole ensuite ses femmes s’il était assez riche pour
en avoir beaucoup.
Les rangs de la société vitienne paraissent bien
classés. M. Desgraz qui a longuement questionné les
blancs fixés dans ces îles, nous fournit les données
suivantes, en prenant l’île de Pao ou Bao pour
exemple.
La classe des Toui est représentée par Tanoa en
raison de sa puissance. C’est un des principaux chefs
et peut-être celui qui possède la plus grande étendue
de terre dans l’archipel. Ses domaines sont sur Viti-
Levou, et l’endroit dont il est le chef direct se nomme
Kamba. Aussi prend-il le titre de Toui-Kamba. Toutes
ses possessions sont comme autant de suzerainetés
régies par des chefs, ses vassaux, qui forment la
deuxième classe, celle des Riketouis. Ces chefs inférieurs
prennent le titre des lieux où ils commandent.
Ainsi celui de Pao porte le nom de Riketoui-Pao,
Il existe plusieurs distinctions entre les chefs, selon
leur puissance ou leur richesse, mais elles ne suffisent
pas pour établir une classe distincte.
La classe des Poua est celle qui comprend les nambetti
ou prêtres; elle est l’égale, pour les prérogatives,
de celle des chefs secondaires.
La classe des Absalandaby comprendía catégorie
des hommes qui séjournent et travaillent à terre ; elle
embrasse tous les agriculteurs et se subdivise selon
les lieux. Après eux vient la classe des pêcheurs nom-
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