attendre, et qu’au besoin même je puis compter sur
le zèle comme sur l’expérience de leurs équipages.
La reine Patini a assisté, sur mon invitation, aux
exercices de Y Astrolabe. Au premier coup de canon
elle a paru un peu effrayée, ensuite elle s’est rassurée
peu à peu, en s’appuyant toutefois sur le bras de
M. Dumoutier qui, placé près d’elle, s’efforçait de la
tranquilliser de son mieux.
En voyant toute cette poudre brûlée et ces nombreux
coups de canon tirés sur la mer, nos hôtes ont
conçu une haute opinion de nos richesses et de notre
puissance. Après l’inspection je fais descendre Patini
dans ma chambre, et je lui fais cadeau de poudre,
d’étoffes rouges et de mouchoirs. Tout cela paraît
lui faire beaucoup de plaisir. Enfin je la fais reconduire
à terre, après l’avoir vivement engagée à rester
toujours l’amie des Européens et à inviter ses sujets
à ne jamais leur faire de mal, attendu qu’ils finiraient
toujours par être châtiés un jour s’ils agissaient
autrement.
Toutes les opérations qui m’avaient appelé à
Nouka-Hiva étant terminées, je me décide à reprendre
la suite du voyage. Dès cinq heures du
matin, je fais virer au cabestan pour profiter d’une
petite brise de terre qui doit nous pousser hors de la
baie. Mais la chaîne a fait plusieurs noeuds autour de
l’ancre, et ce n’est qu’après un travail long et pénible
que nous parvenons à déraper. Pendant ce temps-là
les brises de terre ont fait place au vent du sud, qui
nous repousse au fond de la baie. J’aurais peut-être
vainement essayé d’en sortir avec ces circonstances
défavorables, et je préfère laisser de nouveau tomber
l’ancre par six à sept brasses, remettant l’appareillage
au lendemain.
Quoiqu ayant éprouvé les mêmes mouvements,
la Zélée, plus heureuse, a pu déployer ses voiles
avant nous, et profiter des dernières bouffées favorables
pour gagner la pleine mer; elle nous y attend
en courant des bordées. Le capitaine Jacquinot envoie
son grand canot à mes ordres. Je le retiens à
bord pour me donner la main au moment de l’appareillage.
Une ancre à jet est élongée dans le milieu
de la baie pour faciliter cette manoeuvre.
En nous voyant rester au mouillage, les naturels
se décident à venir nous visiter dans leurs pirogues.
Ils nous présentent, pour nous les vendre, des fruits
et des objets d’industrie en bien plus grande quantité
que les jours précédents. Sans doute en voyant nos
navires sur le point de leur échapper, ils se sont
ravisés et ont voulu profiter des derniers instants de
notre séjour, pour se procurer des objets européens,
que du reste nous leur fournissons à bien meilleur
compte que les baleiniers.
Dès six heures du matin nous sommes sous voiles,
mais les calmes et des risées très—incertaines viennent
contrarier notre sortie. Nous sommes à la merci
des faibles courants qui traversent les eaux de la
baie, et à huit heures, malgré tous nos efforts, la
corvette touche sur les rochers basaltiques de la côte.
Heureusement les abords de la baie sont là très-
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