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Oetóbre. Le plan de M. Krusenstern, le seul que je possède ,
est mal orienté, et deux îlots qui se trouvent placés
au milieu de la passe déjà étroite de ces îles, rend
cette entrée difficile lorsqu’il faut comme nous gagner
le mouillage en louvoyant; dans une de nos bordées
même, le vent ayant un peu refusé, nous tombons
si près des roches qui forment la pointe du S. 0 .,
que je crains un instant de ne pouvoir nous en relever.
Heureusement la côte paraît partout très-saine, et
quoique nous n’en soyons pas éloignés de plus de 2 0
mètres, la sonde accuse encore de très-grands fonds.
Bien que la mer ne fût pas dangereuse, cependant
une longue houle nous menaçait de très-fortes
avaries, dans le cas où nos corvettes auraient labouré
le sol. Mais j’éprouvai un véritable sentiment de joie
lorsque ayant dépassé fentrée de la baie, je me trouvai
libre de ma manoeuvre au milieu des vastes bassins
formés par les îles de cet archipel nombreux.
A mesure que nous avançons, de nouveaux canaux
dont il est difficile de reconnaître les embranchements,
se présentent devant nous comme dé longues rues,
parmi lesquelles le voyageur est embarrassé pour
trouver sa route. Enfin, arrivé dans une baie cir-
pi. rxxv. culaire assez vaste, je rallie la terre et laisse tomber
l’ancre par 33 brasses fond de sable et coquilles, et
à un câble au plus de la côte.
Quelques pirogues, montées chacune par trois ou
quatre naturels, viennent le long du bord, et nous
offrent quelques fruits et des racines qu’ils désirent
vendre; mais il y a peu de temps encore que nous
avons quitté un pays de ressources et on n’y fait pas
attention.
Un jeune naturel bien bâti, bien dégourdi, d’une
physionomie ouverte et heureuse, vêtu d’une veste
et d’un pantalon, demande la permission de monter à
bord. Il se présente avec assurance, et se rend sur la
dunette auprès de moi ; là, entrant sur-le-champ en
matière, il débute par me dire qu’il n’aime point les
missionnaires, qui sont de mauvaises gens, qu’il aime
beaucoup les Français, et qu’il demande à embarquer
avec moi. Pensant que cette demande n’était qu’un
prétexte que ce sauvage avait trouvé pour avoir
son entrée libre à bord, je lui fais répondre que je ne
puis embarquer un habitant de Yavao sans le consentement
du chef de cette île. Aussitôt, sans se déconcerter,
il me dit qu’il n’est point sujet de Vavao,
mais qu’il est né à Tonga-Tabou, et que le chef de
Mafanga (Faka-Fanoua) est son père. Et en effet,
il me cite parfaitement toutes les localités de Tonga-
Tabou et me rappelle le siège de Mafanga fait par
XAstrolabe lors de ma première expédition. Il n’était
à cet époque qu’un enfant de 12 à 13 ans. Il m’apprend
en outre que Palou, un des chefs, était devenu
le personnage le plus influent de l’île et donnait aujourd’hui
de grandes fêtes.
Puis, comme mon sauvage me renouvelle sa demande,
je lui signifie, croyant le dégoûter, que je n’ai
a bord aucune place qui puisse convenir à un homme
de son rang, que tout ce que je puis lui offrir, c’est de
l embarquer comme matelot. Je lui dis qu’il ne pou